Après deux concerts au Festival d’Aix-en-Provence les 12 et 13 juillet avec le London Symphony Orchestra, Valery Gergiev est, une semaine plus tard, à Baden-Baden pour diriger ses troupes du Mariinsky dans deux représentations de Boris Godounov et deux concerts, le tout en quatre jours d’affilée. De quoi user un homme, mais pas Gergiev… du moins sur le papier, car il faut bien admettre que, pour cette Deuxième Symphonie de Mahler, l’inspiration n’est pas toujours là et qu’à certains moments, le chef russe donne l’impression de « faire le job ». Pourtant, que d’intensité et d’émotion à d’autres moments ! On l’aura compris : la soirée fut inégale.
Le début de la symphonie est sensationnel, les phrases hachées des cordes graves stupéfient par leur intensité, tout comme le premier tutti, très impressionnant, mais cette tension ne durera guère et Gergiev semble peiner à trouver son chemin dans ce vaste mouvement et même dans la symphonie entière. L’œuvre est certes disparate et constitue un défi pour tout chef qui l’aborde mais l’impression d’hétérogénéité est par trop sensible ce soir. Ici, c’est la sauce qui ne prend pas (un Scherzo qui semble tourner à vide), là une impression de manque de rigueur (le contrepoint devenant confus) et souvent, un aspect spectaculaire qui fait office de geste interprétatif (déferlement de décibels notamment de la part des percussions).
À l’inverse, on admire la capacité du chef à faire monter la tension en l’espace de quelques secondes, à camper une ambiance de vide angoissant dans le dernier mouvement ou encore à faire preuve d’une extrême délicatesse dans les phrasés et les nuances, par exemple dans l’Andante moderato. Manque juste, dans ce mouvement ô combien viennois, la pâte incomparable des cordes d’un orchestre comme le Philharmonique de Vienne ! L’orchestre du Mariinsky affiche en effet des couleurs plutôt franches, et, osons le dire, un peu exotiques pour ce répertoire (le vibrato prononcé du trombone solo par exemple !). Quelques musiciens montrent par ailleurs des signes de fatigue (les cuivres en coulisse… !) car si Gergiev semble inusable, ses troupes ne le sont pas forcément avec un tel régime ! Notons d’ailleurs la tenue assez consternante des hommes du chœur durant les premiers mouvements de la symphonie : quelques-uns sont de profil, d’autres affalés main sur le menton et lorsqu’ils se lèvent, on a l’impression que certains viennent des coulisses… Étonnant (ou révélateur ?…). Leur prestation ne laisse d’ailleurs pas un grand souvenir avec, là encore, une impression de « faire le job ».
Par contre, quelle ferveur chez l’alto Zlata Bulycheva ! Dès sa première intervention (le sublime « O Röschen rot ! »), la chanteuse stupéfie par la beauté du timbre et l’intensité de l’interprétation. On est suspendu à ses lèvres et bouleversé par son art. La soprano Anastasia Kalagina affiche une voix de moindre qualité mais, au contact de sa partenaire, s’enflamme pour nous offrir un superbe duo. Cela ne suffira hélas pas pour insuffler au chœur, à l’orchestre et même à Gergiev, l’énergie et l’inspiration nécessaires pour nous transporter dans le merveilleux chœur final : curieusement, le chef russe n’arrive pas à rendre cette musique presque « surhumaine », lui qui excelle pourtant dans ce genre de musique tellurique… Un soir « sans » ?
Version recommandée :
Mahler: Symphony No.2 « Resurrection » | Gustav Mahler par Orchestre Philharmonique de New York