I was looking at the ceiling and then I saw the sky est une œuvre à part dans la carrière de Johns Adams puisqu’il s’agit de son incursion dans le monde de la comédie musicale. Si l’orchestre, la durée de l’opus et la technique vocale sont caractéristiques du genre, l’absence totale de dialogues parlés singularise ce que le compositeur a choisi de qualifier de « songplay ».
Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli proposent une approche a minima de l’œuvre sans apporter de vision particulièrement percutante. Le dispositif scénique a tout pour intriguer : le décor est en effet la projection sur grand écran d’une série de petites maquettes, filmées dans un coin de la scène. Pourquoi pas ! Le problème réside toutefois dans l’aspect esthétique desdites maquettes, assez grossières, irréalistes, sans être pour autant poétiques ni oniriques. L’approche dramatique en reste là, en l’absence de réelle réflexion sur l’œuvre et sa portée éminemment actuelle – seul un vague t-shirt Black Lives Matter viendra souligner l’actualité du sujet. C’est un peu court. La direction d’acteur n’est pas toujours inspirée, comme dans la scène d’arrestation de Dewain, un peu laborieuse alors qu’en principe, elle devrait saisir le spectateur d’effroi.
La frustration vient aussi du choix de de ne pas représenter l’ensemble de l’ouvrage, dès lors qu’un petit tiers des chansons manque à l’appel, ce qui peut paraître regrettable, car les personnages n’ont plus l’espace suffisant pour déployer pleinement leur psychologie et leur trajectoire. L’œuvre s’en trouve ramenée à une poignée de chansons, sans que le spectateur ne puisse, en une heure quinze, s’immerger émotionnellement dans ce drame choral.
© Hubert Amiel
Le plateau vocal est composé d’anciens étudiants du Conservatoire de Bruxelles, encore assez jeunes mais qui font montre d’un bel engagement au service de l’œuvre. Maria Belen Fos est très juste et touchante en Consuelo, contrepoint idéal de l’énergique Natalie Oswald dont la Leila sait aussi révéler, le moment venu, ses fragilités. Sonia Shéridan Jacquelin est une Tiffany très convaincante en journaliste sensationnelle. Si le trio de ces trois chanteuses est un moment très réussi, la scène où tout trouve sa place, en matière d’intention dramatique, de décor et de lumière est certainement le chant de la libération du Dewain de Lionel Couchard, dont la voix ample et la sensibilité atteignent un bel équilibre.
Transformée en Rickie pour l’occasion, le personnage de Marie Juliette Ghazarian est également doté d’une belle énergie revendicative, notamment lors de la scène de plaidoirie. De son côté, Lucas Bedecarrax se défend bien pour un Mike dont les répliques sont malheureusement assez pauvres pour ce livret peu inspiré. Le pasteur de Marc Fournier devient un personnage très secondaire en raison du format retenu, mais il occupe admirablement bien la scène lors de son « Crushed by the Rock I Been Standing On ». On peut regretter que les chanteurs ne soient pas sonorisés, comme c’est a priori plutôt l’usage pour le genre, car ils sont quelques rares fois couverts par l’orchestre.
La direction musicale de de Philippe Gérard est admirable et sait restituer les ambiguïtés de la partition avec subtilité, notamment lorsqu’affleure le style caractéristique d’Adams, tout en sachant relever avec brio le défi de la multiplicité des genres – jazz, rock, …– qui se succèdent d’une chanson à l’autre.