La nouvelle saison de l’Opéra de Paris s’ouvre avec une reprise des Puritains de Bellini dans la production de Laurent Pelly créée en novembre 2013. Nous avions souligné à l’époque le caractère épuré des décors qui représentent aux premier et troisième actes l’armature en tiges métalliques d’un château et au deuxième, celle d’une simple tour. Posées sur la tournette qui les déplace au gré des tableaux pour différencier les divers lieux où l’action se déroule et canaliser les nombreux mouvements de foules, ces structures se révèlent à la fois sobres et fonctionnelles.
I puritani © Sébastien Mathé / Opéra national de Paris
Cette sobriété va de pair avec l’austérité des costumes qui se déclinent dans des teintes allant du gris clair au noir en passant par le marron ou le bleu marine, contrastant avec la blancheur immaculée de la robe d’Elvira.
La direction d’acteurs, minimaliste, met en lumière les relations entre les différents protagonistes. Sachons gré à Laurent Pelly de n’avoir pas cherché à nous raconter une autre histoire que celle du livret, en dépit de ses quelques faiblesses, et d’avoir opté pour une scénographie dépouillée en accord avec le propos, qui de plus permet au spectateur de se concentrer sur la musique et les voix. Seul bémol au tableau, dans ce décor ouvert, en l’absence de parois pour renvoyer le son vers la salle, les voix ont tendance à se perdre dans les cintres donnant l’impression d’être sous-dimensionnées dans le vaste vaisseau de l’Opéra Bastille.
Les chanteurs réunis pour la circonstance constituent cependant une équipe solide et homogène jusque dans les seconds rôles. Ainsi Jean-François Marras, dont le timbre clair capte l’attention dès le début de l’ouvrage, tire aisément son épingle du jeu en Sir Bruno Roberton tandis que la voix de bronze au grave profond de Luc Bertin-Hugault sied au personnage altier de Lord Gualtiero Valton. Enfin le joli timbre fruité de Gemma Ní Bhriain fait regretter la brièveté du rôle d’Enrichetta.
En début de soirée, Igor Golovatenko n’a pas semblé au mieux de sa forme, projection limitée et vocalises laborieuses dans la cabalette « Bel sogno beato » , puis la voix a gagné peu à peu en volume et en assurance tout au long du deuxième acte à la fin duquel le baryton nous a offert un magnifique « Suoni la tromba » face à Nicolas Testé dont la superbe incarnation lui a valu un triomphe personnel au rideau final. La basse française a campé un personnage sobre et émouvant comme en témoigne son « Cinta di fiori » tout en nuances, phrasé avec un legato parfait. En dépit d’un volume parfois confidentiel, Francesco Demuro a créé l’événement en incarnant un Arturo impeccable, doté d’une ligne de chant élégante et d’une belle maîtrise de la grammaire belcantiste. Il affronte crânement le redoutable « Ella è tremante » au dernier acte sans reculer devant le contre-ré ni le contre-fa qu’il donne en voix de tête, sans difficulté apparente. Elsa Dreisig n’a sans doute pas les moyens ni la technique souveraine des grandes Elvira du passé, de plus, à force d’arpenter le plateau au pas de course dans une agitation perpétuelle son souffle s’en ressent mais elle parvient somme toute à convaincre en misant sur la fragilité de l’héroïne qu’elle traduit si bien grâce à son timbre lumineux et son chant parsemé de nuances. Point de pyrotechnie ébouriffante dans les cabalettes mais une incarnation subtile servie par une voix saine et bien projetée.
Admirablement préparés par José Luis Basso, les chœurs dont le rôle est prépondérant dans cette œuvre ont livré une prestation de haut vol.
Au pupitre Riccardo Frizza adopte une battue sage et mesurée, quasi métronomique comme s’il craignait de couvrir ses chanteurs, Pas de grandes envolées lyriques ni de contrastes dans cette direction sans grand relief. Enfin on ne peut que regretter les nombreuses coupures dans la partition, confortables sans doute pour les chanteurs mais exaspérantes pour l’amateur de bel canto.