En cette douce soirée d’été, après avoir fait vibrer les charmantes églises de Locmaria et de Bangor, le Chœur et l’Orchestre du Festival de Belle-Île ont conquis le public de sa « capitale » administrative . Grâce à un travail assidu, ils ont produit des interprétations intenses auxquelles les fidèles amis et les soutiens d’une manifestation lyrique à vocation internationale devenue incontournable, se montrent de plus en plus sensibles. Alors que le soleil n’est pas encore couché, ce public se presse pour emplir entièrement la belle église de Palais, remarquable pour ses mosaïques originales et ses vitraux colorés.
Pour commencer, nous baignons dans la joie avec un magnifique Gloria de Vivaldi dirigé par David Jackson. Pianiste, compositeur, chef de chant à la Maîtrise de Notre Dame de Paris ainsi qu’aux conservatoires de Versailles et de Meudon — également depuis plusieurs années au festival lyrique de Belle-Île — il fait ici brillamment ses débuts au pupitre. Sa lecture dynamique et rigoureuse veillant à faire ressortir toutes les couleurs instrumentales et à bien détacher les plans sonores des douze parties de l’œuvre est d’une précision admirable. Avec leurs voix diaphanes et lumineuses, les trois sopranos et les deux mezzos solistes intégrées au chœur, ne tombent à aucun moment dans la théâtralisation. C’est beau, c’est poétique, c’est fervent, tout en demeurant absolument vivaldien. On retiendra en particulier « In terra Pax », « Domine Deus » et, surtout, le superbe « Qui sedes ad dexteram Patris » !
Gloria © Léonor Matet
Après l’entracte, avec le célèbre Requiem de Mozart, l’heure est beaucoup plus grave. Sous la baguette experte de Philip Walsh, directeur artistique du Festival, les mêmes forces orchestrales et chorales comprenant comme précédemment les Jeunes artistes et avec la participation d’un quatuor vocal opératique, interprètent cette œuvre ultime dont la genèse obscure a fait l’objet de bien des suppositions et controverses. Aujourd’hui, le travail de plusieurs générations de musicologues a permis d’établir que si la composition a bien eu lieu dans des conditions tragiques nécessitant l’intervention maladroite de l’entourage du divin Mozart, l’authenticité de l’inspiration et des intentions de ce Requiem, conçu face à la mort, ne fait aucun doute.
La solide voix de baryton basse assortie d’une excellente articulation de Tyler Simpson, résonne avec force ; alors que, sans démériter, le ténor et la soprano — peut-être surmenés ? — manquent quelque peu de conviction. Quoi qu’il en soit, la majesté d’« Introitus », la fureur de « Dies irae », la lourde menace de « Tuba mirum », la piété résignée de « Lacrimosa », la joie de « Domine Jesu », la solennité de « Sanctus » sont parfois en dessous de ce qu’on attend du prodigieux génie mozartien. Cependant en dépit du rafistolage de la partition maintes fois dénoncé, nous sommes submergés par une profonde émotion. Et comme le souhaite Philip Walsh dans son introduction à ce bouleversant requiem, nous le ressentons comme « une invitation optimiste à l’éternité, et pas uniquement comme la fin terrifiante et tumultueuse de la vie de ce grand compositeur».