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Quatrième volet de l’intégrale Gesualdo des Arts florissants, ce concert était naturellement consacré au Quatrième livre du prince de Venosa. Présenté après d’autres œuvres de ses contemporains, la comparaison entre les styles des différents compositeurs n’a jamais été aussi pertinente.
Une fois n’est pas coutume, Paul Agnew rappelle quelques éléments biographiques de Gesualdo, tout en essayant de nuancer la légende qui entoure le compositeur. Il est certes meurtrier, mais cela n’a pas d’influence sur sa musique, et il n’est certainement pas fou, puisque d’autres compositeurs s’essayent à des audaces harmoniques au moins aussi stupéfiantes que les siennes. La preuve par a+b dans la suite du programme.
« Timor et tremor » de Orlando di Lasso propose une entrée en matière déjà très élaborée du point de vue des enharmonies, mais c’est avec Nicola Vicentino, inventeur-même des instruments capables de telles modulations, que l’on réalise que le « cas harmonique » de Gesualdo était loin d’être isolé. « Laura, che’l verde lauro » est une véritable étude enharmonique qui propose des enchaînements assez inouïs, et il faut bien un ensemble aussi rompu à ce style que celui de ce soir pour venir à bout de ces difficultés.
Avec « Solo e pensoso » de Marenzio, c’est davantage le chromatisme qui est exploré : le soprano énonce tous les degrés de la gamme chromatique dans la première partie du madrigal. C’est pourtant la suite qui semble poser davantage de problèmes à notre ensemble vocal. On sent poindre une intonation moins assurée que lors des concerts précédents, notamment à l’attaque du son. On imagine volontiers qu’un programme aussi ardu ne soit pas sans répercussion sur la précision au cours de la soirée.
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Une rapide incursion chez Monteverdi et son « Luci serene, e chiare » nous permet une comparaison saisissante avec le même texte de Gesualdo, qui ouvre le Quatrième livre. Le premier illumine le texte de façon rayonnante, tandis que le second y voit plus d’agitation amoureuse que de plénitude expressive.
Ces contrastes sont d’ailleurs la caractéristique la plus frappante de ce recueil. Les dissonances expressives d’ « O sempre crudo amore » font délicieusement grincer des dents, tandis que le chromatisme fait son apparition à partir de « Moro, e mentre sospiro ». Chauffé à blanc par une première partie exigeante musicalement et vocalement, les solistes n’en démordent pas pour autant. Nous disions que l’intonation se faisait vacillante : la tendance se confirme, mais cette deuxième partie de concert brille par un investissement musical nettement supérieur par rapport aux autres concerts de la série. La performance d’Edward Grint montre à ce titre une évolution frappante. La basse est en pleine possession de ses moyens vocaux dans un véritable marathon où le contre-ré n’est pas rare.
Compte tenu de l’évolution musicale du concert, qui n’est certainement pas sans lien avec la maturation de Gesualdo, on est impatient de découvrir les surprises harmoniques et vocales que nous réservent les deux derniers volets de la série.