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Récital lyrique — Peralada

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Spectacle
5 août 2013
Généreux jusqu’au bout

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Détails

Piotr Beczala
Ténor

Récital lyrique

Piano
Kristin Okerlund

Ludwig Van Beethoven (1770-1827)
Adelaïde
Robert Schumann (1810-1856)
Dichterliebe
Im wunderschönen Monat Mai
Aus meinen Tränen spriessen
Die Rose, die Lilie, die Taube, die Sonne
Wenn ich in deine Augen seh’
Ich will meine Seele tauchen
Im Rhein, im heiligen Strome
Ich grolle nicht
Miecczyslaw Karlowicz (1876-1909)
Cinq chansons
Richard Strauss (1864-1949)
Zueignung
Rosenband
Ich liebe dich
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Un Ballo in maschera : « Di tu se fedele »
I Lombardi : « La mia letizia infondere »
Francesco Cilea (1866-1950)
L’Arlesiana : Lamento di Federico
Nikolai Rimski-Korsakov (1844-1908)
Sadko : Canço India
Giacomo Puccini (1858-1924)
Tosca : « E lucevan le stelle »
Wladislaw Zelenski (1837-1921)
Janek
Franz Lehar (1870-1948)
Das Land des Lächelns : « Dein ist mein ganzes Herz »

Bis

Core ‘ngrato
Ah, lève-toi, soleil !
O sole mio

Castell de Peralada, Iglesia del Carmen, 5 août 2013 à 21 heures

 

Les lumières s’éteignent, et d’un pas vif Piotr Beczala se dirige vers le pupitre installé au centre du chœur de l’église du Carmen, suivi de la pianiste Kristin Okerlund. Il n’a pas encore chanté et déjà il a séduit : son allure déterminée, l’élégance de son frac, et, surtout, ce visage ouvert qu’illumine un sourire irrésistible ont d’entrée capté la sympathie. Il semble, en vrai, aussi naturel et détendu qu’au cours de l’entretien accordé à Forumopéra en mai dernier. Mais manifestement il ne faisait pas aussi chaud alors dans sa loge qu’à Peralada. Rapidement le ténor en vient à essuyer du revers de la main la sueur qui perle à ses sourcils. On imagine son désagrément car il donne parfois l’impression de puiser dans ses ressources plus que nécessaire, pour assurer, jusqu’aux limites de l’élégance immédiate qu’il a imposée. Mais si cela le prive d’une partie de son aisance cela n’altère ni sensiblement ni durablement son chant. Toutefois à cet inconvénient s’ajoute celui d’une réverbération du son très forte, sous la voûte du chœur, qui produit parfois un phénomène d’écho perturbant. Est-ce de ces conditions extrêmes – chaleur, acoustique – que relèvent nos perceptions, en quelques occasions, de justesse approximative ? En tout cas le récital est construit avec une rare intelligence, car sous l’apparente succession chronologique qui regroupe en première partie des lieder et en deuxième partie des extraits d’opéra se cache une répartition savante destinée à mettre en valeur divers aspects du talent de l’artiste mais aussi à le ménager par une alternance continue des exigences vocales

Ainsi la beauté et la plénitude du timbre s’imposent aussitôt, dès une Adélaïde qui annonce la couleur : la douceur s’efface derrière l’énergie. Il ne faut pas compter sur Piotr Beczala pour servir du sirop ! Cela ne l’empêche pas de trouver, avec l’attentive Kristin Okerlund, toutes les couleurs des sept premiers poèmes du Dichterliebe, effusion douloureuse, élan passionné, confidence pudique, affirmation solennelle, tandis que la voix s’échauffe et commence à s’élever glorieusement. Les cinq chansons de Mieczyslaw Karlowitz qui suivent semblent avoir en commun des évocations nostalgiques. Le finale de la première et de la deuxième, habitée par un piano lancinant, exigent la même générosité vocale. La quatrième, très brève, a le charme touchant des mélodies de Tchaïkovski. Quant à la dernière, d’un scintillement initial au piano elle passe du calme à l’animé, et couronne sa noblesse de ton d’un extrême aigu que Piotr Beczala émet en voix mixte et laisse mourir interminablement, déclenchant un tumulte d’approbations. Trois lieder de Richard Strauss amènent à l’entracte. Zueignung procède avec une scansion solennelle et conjointe de la voix et du piano, Rosenband est dénoué dans l’arabesque du piano, d’une fluidité exempte de mièvrerie, assortie à la netteté de la voix et à la précision de l’enivrante vocalise qui précède la chute. Ich liebe dich, enfin, libère l’exultation du piano et de la voix, dont l’éclat et la fermeté évoquent un heldenténor, voire le Bacchus d’Ariadne auf Naxos.

Après l’entracte, place à l’opéra. « Di tu se fedele » qui sollicite aussi bien l’aigu que le grave, l’agilité, la rapidité d’élocution, et se termine par un aigu insolent donne une idée claire de l’homogénéité de la voix, de son extension et de la solidité des registres. Cet aigu final est comme un pied de nez de Riccardo à Ulrica, qu’il vient de provoquer dans son air. Vocalement la fête est complète ; c’est dramatiquement que l’on pourrait souhaiter voir marquer plus nettement l’ironie railleuse de l’aristocrate à l’égard de celle qu’il considère comme une mystificatrice. C’est dans l’air suivant, extrait de I Lombardi, que nous aurons l’impression que le ténor puise dans ses ressources de manière perceptible, avec un aigu final presque à l’arraché. Mais jusque là on ne résiste pas à la beauté et la plénitude du timbre. A Verdi succède Cilea et le Lamento fi Federico. Une fois encore Piotr Beczala surprend par la rapidité avec laquelle, les yeux clos, il s’immerge dans le climat de l’air nouveau. Sur les tristes échos que fait résonner la pédale du piano, après un aigu donné infailliblement sur le passage il fait monter le pathos – un peu trop à notre goût – sans rien sacrifier du legato : on ne peut qu’admirer. Suit la Chanson indienne de Sadko, air surtout central, sans paroxysmes, où il monte par paliers dans l’aigu pour descendre de même, et finir sur un aigu morendo aussi beau que le premier et qui déclenche le même enthousiasme. Retour à l’italien avec le tube incontournable : « E lucevan le stelle » ; l’interprétation est peut-être uniformément passionnée, l’appui sur une voyelle excessif, mais la couverture en fin d’émission préserve un éclat qui suscite des rugissements. Avec le Janek de Zelinski Piotr Beczala rend hommage à un compatriote et reprend un air qui l’accompagne depuis ses débuts. C’est pourtant là que nous aurons plusieurs fois l’expression que la justesse des aigus, pourtant pas des plus meurtriers, est problématique. Enfin, fidèle à son admiration pour Richard Tauber, le ténor de Franz Lehar, il se fait presque chanteur de charme pour Le Pays du sourire, parvenant à être doux sans être sucré et caressant sans être mièvre, sur les échos japonisants du piano, avant une reprise à pleine voix qui met un point d’orgue glorieux à ce récital.
 
Du moins pour la partie officielle. On espérait un bis, on en eut trois. Entre deux chansons populaires où passent l’ardeur et la mélancolie napolitaines, un « Lève-toi soleil » qui donne une nouvelle preuve de l’éclectisme linguistique du chanteur (des défauts véniels) et de la qualité de son articulation et de sa diction. (A cet égard le voir de près permet d’’observer une gymnastique labiale et faciale incessantes, expressions visibles et fascinantes d’une technique de fer.) Les aigus conclusifs, lancés sans les précautions de certains, achèvent de mettre le feu à l’église. Evidemment « O sole mio» n’est pas fait pour l’éteindre : standing ovation, youyous, Piotr Beczala, qui va encore assurer une longue séance de dédicaces, peut se retirer, épuisé mais rayonnant. La générosité de l’homme et de l’artiste se sont rejointes, pour le bonheur de tous.

 

 

 

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Ludwig Van Beethoven (1770-1827)
Adelaïde
Robert Schumann (1810-1856)
Dichterliebe
Im wunderschönen Monat Mai
Aus meinen Tränen spriessen
Die Rose, die Lilie, die Taube, die Sonne
Wenn ich in deine Augen seh’
Ich will meine Seele tauchen
Im Rhein, im heiligen Strome
Ich grolle nicht
Miecczyslaw Karlowicz (1876-1909)
Cinq chansons
Richard Strauss (1864-1949)
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Janek
Franz Lehar (1870-1948)
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O sole mio

Castell de Peralada, Iglesia del Carmen, 5 août 2013 à 21 heures

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