Cette nouvelle production de Parsifal au Deutsche Oper peut être qualifiée de remarquable à plus d’un titre.
Remarquable de clarté tout d’abord. La mise en scène de Philippe Stölzl, fidèle au livret, permet une lecture relativement aisée de l’œuvre. N’en déplaise aux amateurs de scénographies déstructurées ou avant-gardistes qui nécessitent un troisième degré de lecture pour en déchiffrer toutes les subtilités ; Ici les décors sont cohérents (chaos minéral avec château des chevaliers du Graal en arrière plan aux actes I et III, façade d’un temple Maya pour figurer le repère de Klingsor et son jardin des délices à l’acte II), les costumes sont ceux de moines-chevaliers tels qu’on se les imagine à l’époque des croisades à l’exception de Parsifal qui porte un costume contemporain matérialisant sa singularité d’être l’élu. A l’acte III, tous les personnages sont habillés de façon contemporaine symbolisant ainsi l’intemporalité de la rédemption par le biais d’un saut à travers les siècles. Le seul bémol de la production porte sur un éclairage blafard et aveuglant provenant d’une douzaine de rampes néons suspendues au dessus du décor emprisonné dans une cage de scène apparente.
Remarquable de justesse ensuite, car la mise en scène – en faisant volontairement le choix de présenter une succession de tableaux vivants dans lesquels les protagonistes se figent dans des poses extatiques (à l’image des interprétations picturales de descentes de croix, de processions de pèlerins ou d’actes de contrition) et en invitant les sujets de ces tableaux à reprendre leur mobilité sur un mode ralenti – rompt avec la fâcheuse habitude de multiplier les gesticulations scéniques pour tenter de distraire le public face à une partition réputée longue ou difficile. Le souffle de réalisme que porte cette mise en scène va jusqu’à gommer les invraisemblances miraculeuses de l’argument ; ainsi lorsque Parsifal plonge la Sainte Lance dans la plaie d’Amfortas, cela a pour effet non pas de la refermer mais de le plonger dans un sommeil éternel, traduisant ainsi que la miséricorde divine lui est accordée. De même, le baptême de Kundry n’a pas pour effet de la foudroyer mais celui de lui rendre son humanité à part entière. Quant à l’épisode magique du château de Klingsor, il gagne en crédibilité en se transformant en une cérémonie vaudou au cours de laquelle les parades de séduction des filles-fleurs s’apparentent à des transes.
Remarquable, enfin, pour sa qualité d’exécution. Sous la baguette de Donald Runnicles, l’orchestre du Deutsche Oper est admirable de fluidité et de majesté. Il déroule sans heurt l’enchaînement des leitmotiv tel un ruban musical soyeux et brillant. La page de l’enchantement du Vendredi Saint est une merveille d’amplification d’un thème musical jusqu’à son paroxysme puis de transformation. Les chanteurs nous font vivre des moments de grâce, Thomas Johannes Mayer incarne un Amfortas torturé mais d’une grande noblesse, Albert Pesendorfer (Gurnemanz) réussit la performance de chanter également le rôle de Titurel depuis les coulisses (Stephen Bronk, malade, se bornant à le jouer), Klaus Florian Vogt prête à Parsifal une émission vocale d’une grande fraîcheur et d’une étonnante douceur sans perdre pour autant en sonorité. Evelyn Herlitzius habite véritablement le personnage de Kundry, ses gémissements, ses rires hystériques, ses cris la porte véritablement aux confins de l’humanité et de la bestialité. Thomas Jesatko (Klingsor) en habitué du rôle depuis 2008 ne dépare pas une distribution d’une telle qualité.
Version recommandée :
Wagner: Parsifal – Highlights | Richard Wagner par Simon Estes