« D’un coup de baguette magique / Eclatent la musique, / Les sunlights et les bravos : / Vive le baroque show ». Sans doute, si le Muppet Show existait encore, Patricia Petibon en serait une invitée parfaite, et l’on ne serait pas étonné d’apprendre qu’elle rêve secrètement de chanter un duo avec Kermit la grenouille ou Piggy la cochonne. Son récital « Flammes de magiciennes » prouve une fois de plus, si besoin était, que la soprano a la facétie dans le sang. Hélas, sa verve aurait parfois besoin d’être mieux guidée, car le résultat n’est pas toujours à la hauteur lorsqu’elle est livrée à elle-même. Héloïse Gaillard lui a concocté un programme reposant sur deux héroïnes principales : la Médée de Charpentier, la Circé de Leclair, que viennent compléter quelques pages de Rameau sans lien réel avec le thème de la magie. Et pour introduire des respirations entre les pages vocales, l’ensemble Amarillis interprète – superbement – des danses et passages orchestraux tirés d’œuvres de la même époque. C’est alors que tout se gâte car, au lieu de s’asseoir ou de se retirer sur la pointe des pieds comme elle le fait deux ou trois fois au cours de la soirée, Patricia Petibon estime nécessaire de se livrer à diverses gesticulations reposant principalement sur la manipulation de plumes d’autruche teintes de couleurs vives. Que la chanteuse souhaite s’amuser, très bien, mais qu’elle sollicite alors un(e) spécialiste de théâtre qui puisse la conseiller et lui suggérer des jeux de scène plus inspirés. En l’occurrence, ses attitudes de pom-pom-girl baroque pourraient être simplement superflues, or leur caractère répétitif et vain finit par les rendre franchement pathétiques.
C’est d’autant plus regrettable que, sur le plan strictement vocal, « la » Petibon est chez elle dans ce répertoire, où elle est à même de déployer un talent dramatique reconnu, y compris et peut-être même surtout dans l’expression pudique de la douleur. Son « Tristes apprêts » est superbe, sans le moindre effet redondant, et les plaintes des magiciennes qui précèdent la montrent parfaitement capable de toucher l’auditeur, là où les imprécations auraient presque tendance à se perdre dans l’acoustique peu flatteuse de la salle des concerts de la Cité de la musique. La première partie du programme, consacrée à Charpentier, ne propose d’abord que des bribes de récitatifs accompagnés, certes expressifs, mais un peu frustrants par leur brièveté, avant d’en arriver à l’air superbe « Quel prix de mon amour ». Le problème est un peu le même avec Scylla et Glaucus, et l’on comprend que le programme se soit ouvert à des airs de Rameau, où l’on perd de vue l’idée de magie, mais où la chanteuse trouve amplement matière à briller. Quelques modifications dans la composition de la soirée semblent être intervenues en dernière minute : l’air « Ah ! Que la vengeance a de charmes » et le récit accompagné « Mais déjà de ses voiles sombres », de Leclair, qui figurent dans le programme de salle, ne sont pas interprétés, et l’air de Rameau « L’amant que j’adore » devient un bis offert après l’air de la Folie de Platée, ayant préalablement été remplacé par « Sans frayeur dans ce bois » de Charpentier.
Si Patricia Petibon a de l’énergie à revendre, elle n’est pas la seule, et l’on peut en dire autant des musiciens de l’ensemble Amarillis, qui confèrent aux différentes pages de ce concert un élan irrésistible, entraînés par leur directrice artistique Héloïse Gaillard : non contente d’alterner entre cinq ou six instruments de forme et de taille variées (flûtes à bec et hautbois), celle-ci insuffle aux instrumentistes une vigueur louable, secondée dans ses efforts par la claveciniste et chef de chant Violaine Cochard. Kati Debretzeni, violon solo, n’est pas en reste, et l’on mentionnera aussi la prestation du percussionniste Joël Grare ; leurs fonctions ne leur permettent pas de se livrer au même genre de show, même s’ils partagent l’esprit de Patricia Petibon, comme l’indique l’improvisation dans laquelle se lance un des violonistes, offerte en guise de second bis à la fin de la soirée.