Contrairement à l’édition 2021 où seuls des candidats européens – covid oblige – avaient participé à la compétition, cette année, les concurrents du 11e concours Bellini à Vendôme sont venus des quatre coins de la planète. Pour autant, le niveau n’a pas été meilleur puisque trois prix n’ont pas été attribués, le prix spécial des voix féminines, le prix spécial des voix masculines et le prix génération Opéra.
Concours de Belcanto, les finalistes © DR
Il faut dire que dans un concours dédié au belcanto, on attend des participants qu’ils possèdent au moins une technique qui leur permette de maîtriser les aspects essentiels de la grammaire belcantiste : la virtuosité, la capacité de vocaliser avec précision et de triller, l’art de varier la dynamique de façon à créer des effets de clair-obscur, la maîtrise des sons filés… Force est de reconnaître qu’avec les candidats qui se sont présentés, le compte n’y était pas toujours. Une partie d’entre eux, soucieux sans doute d’étaler leurs moyens vocaux, ont opté pour un chant presque toujours en force et pauvre en demi-teintes, comme cette concurrente, éliminée à l’issue de la demi-finale où elle avait confondu la folie d’Anna Bolena avec l’entrée de Brunhilde dans La Walkyrie.
En revanche, contrairement à l’édition 2021 où nous avions déploré le manque d’imagination des candidats, ce qui nous avait valu d’entendre certains airs trois fois, les participants ont fait l’effort cette année de sortir quelque peu des sentiers battus, en proposant des pages de Meyerbeer, d’Ambroise Thomas, de Mozart ou des airs rarement joués comme celui d’Ernesto dans Le Pirate.
Parmi les sept finalistes, Yerang Park se détachait nettement du lot. La soprano coréenne n’avait pas choisi la facilité en proposant deux scènes de la folie parmi les plus complexes, celle d’Elvira dans Les Puritains avec sa cabalette qu’elle conclut par un contre-mi bémol émis avec aisance puis en seconde partie, celle d’Ophélie dont elle parvient à négocier les différentes séquences avec conviction. La voix est bien projetée, le timbre agréable, les vocalises sont fluides et précises, le legato impeccable. Un regret cependant, l’interprète, pour émouvante qu’elle soit, aurait pu nuancer davantage sa ligne de chant. Ajoutons pour finir que son français est correct et son maintien élégant. Le Jury lui a attribué le grand prix et le prix de l’interprétation d’un air en français. Elle a également reçu le prix du public, ex aequo avec Cécile Lo Bianco. Celle-ci nous a livré une scène finale de La Somnambule émouvante, chantée avec beaucoup d’élégance et de retenue. La voix n’est pas très large mais elle est bien conduite. De plus, la soprano française vocalise avec brio dans la cabalette – doublée – qu’elle conclut par un beau suraigu. Dans la seconde partie elle propose un « Salut à la France » jubilatoire, ornementé d’un trille impeccable.
Yerang Park © DR
Enfin, le prix de la ville de Vendôme revient à Marie Ronot qui possède une voix large et solide d’une ampleur conséquente. Lors de la demi-finale son air de Valentine dans Les Huguenots nous avait pleinement convaincu de même que la folie d’Imogène dans Le Pirate. Ses grands moyens lui permettent d’affronter crânement l’air du poison de Juliette dont elle livre une interprétation spectaculaire. Voilà une Juliette plus agressive qu’apeurée. En revanche son « Casta Diva » déçoit, la cavatine est attaquée en force et les vocalises qui dominent les chœurs, loin d’être aériennes comme il se doit, sont ici pesantes tout comme celles de la cabalette, bien peu belcantiste à vrai dire, avec ses aigus stridents.
Parmi les autres candidats Barbara Boudarel a proposé une jolie version de la cavatine d’Isabelle dans Robert le diable, « Robert, toi que j’aime », privée cependant de trille. D’autre part, sa scène de la folie d’Elvira, dépourvue de surcroît du suraigu final, ne pouvait soutenir la comparaison avec celle de Yerang Park. Le ténor Tian Peng possède une voix homogène et un aigu facile comme en témoigne son entrée d’Arturo dans Les Puritains mais le timbre est sans éclat et la projection limitée. Pourtant son air de Roméo, chanté avec une diction impeccable et un beau legato n’appelait aucun reproche majeur, tout au plus aurait-on souhaité davantage de passion dans son interprétation. Trop de trac, peut-être ? Zuzanna Klemanska a beaucoup d’atout dans son jeu, un timbre séduisant, des graves sonores et une belle présence scénique. Son air d’entrée d’Adalgisa ne manquait pas de style. En revanche, « O mon Fernand » souffrait d’une diction bien peu intelligible. Nous avons regretté qu’aucun prix n’ait été attribué à Dmytro Voronov tant les deux airs qu’il avait chantés au cours de la demi-finale nous avaient conquis, en particulier celui du Comte dans Les Noces de Figaro. Peut-être a-t-il visé un peu haut en choisissant l’air d’Ernesto dans Le Pirate qui le poussait jusqu’aux limites de ses moyens ? Le style n’en demeure pas moins impeccable, l’interprétation élégante. « Avant de quitter ces lieux », chanté avec beaucoup de classe et d’émotion, témoigne d’une diction française convenable. Le baryton ukrainien s’est-il laissé envahir par le trac ? Certains sons dans la gorge et une note aiguë détimbrée dans l’air de Valentin l’ont privé de récompense.
Durant toute la soirée, Maguelone Parigot et Sébastien Joly ont proposé en alternance un accompagnement au piano adéquat et attentif aux candidats.