Le Festival Enesco de Bucarest est l’un des plus importants d’Europe. Entre août et septembre, il s’étale sur plus d’un mois. On croit rêver lorsqu’on lit la liste des orchestres invités : le Philharmonia de Londres, le London Philharmonic, le London Symphony, le Royal Philharmonic, le Concertgebouw d’Amsterdam, le Rotterdam Philharmonic, le Philharmonique de Munich, l’orchestre de la Scala de Milan, le Tonnhalle de Zurich, les orchestres de la radio de Berlin et de la radio hongroise. N’en jetez plus ! Il y a eu, aussi, l’Orchestre National de France, dont le chef et le violon solo sont roumains, dont le concert a été donné en présence du président de la République roumaine et pour lequel la notice sur Enesco, dans le programme, était signée par… Emmanuel Macron en personne. Le président de la République française y évoquait la présence de Georges Enesco à Paris au début du XXe. siècle. (Son opéra Œdipe sera donné à la Bastille à partir de la semaine prochaine).
Parmi les lieux de concerts de Bucarest figure l’une des plus belles salles d’Europe, l’« Athénée ».
Avec sa colonnade de temple grec et sa coupole de basilique romaine, l’extérieur est déjà impressionnant. Mais lorsqu’on pénètre à l’intérieur on a le souffle coupé : un patio au décor somptueux se présente à nous, avec ses marbres de différentes couleurs et sa colonnade circulaire. Quatre « escaliers d’honneur » s’élèvent vers la salle. Celle-ci, en forme de rotonde, rappelle que le bâtiment a été construit (en 1888, par l’architecte français Albert Galleron) sur l’emplacement d’un ancien manège à chevaux. Le haut de la salle est entouré par une couronne de fresques au dessus de laquelle s’élève le toit en coupole. Le fond de la scène est occupé, sur toute sa largeur, par un orgue monumental.
C’est là que nous avons entendu le concert de la mezzo américaine Joyce DiDonato. Sur le programme, deux parties étaient annoncées : une « ancienne » et une « moderne ». Tout est relatif ! La partie « moderne » concernait des œuvres de… Haendel et Rameau – et l’ « ancienne » Monteverdi et Dowland.
Joyce DiDonato à l’Athénée de Bucarest© Festival Enesco
Joyce DiDonato était accompagnée par le très bon ensemble baroque italien Il Pomo d’Oro.
La rondeur de sa voix, égale du grave à l’aigu, fit merveille dans les deux répertoires. Donnant un maximum d’émotion dans les madrigaux de Monteverdi, elle n’hésita pas à incarner de toute son âme les divers personnages apparus dans les extraits d’opéras. La voilà tour à tour furieuse, implorante, désespérée lorsqu’elle incarne la Cléopâtre de Hasse ou de Haendel, ou encore l’Octave du « Couronnement de Poppée » de Monteverdi. En bonne américaine elle mit – mais est-ce le mot qui convient ? – un peu de « swing » dans certains airs de Haendel. Voilà, sans doute, une façon d’être « moderne »!
Peu à peu, elle chauffa le public à blanc. La salle fut debout à la fin.
Joyce prit la parole pour louer l’amitié, le partage, la communion en musique et le génie de Haendel. Redoublement de bravos dans la salle. On vit des spectateurs s’avancer un à un pour lui apporter qui une fleur, qui un bouquet. Et elle, heureuse, recevait les bras ouverts ces bouquets et ces bravos. Elle reprit en bis quelques airs de Haendel. Elle se livra tout entière à cet auditoire qui l’adorait. Donato donna tout. Et le public fut aux anges…