« Le pessimisme est d’humeur ; l’optimisme est de volonté. » disait le philosophe Alain. Cette phrase citée par le Général Christian Baptiste en préambule du premier concert de la saison musicale du Musée de l’Armée donne le ton de la soirée. Déjà, le Requiem de Fauré tranche avec la cohorte de messes des morts engendrées par le christianisme. Ni théâtral, ni révolté, pas même exalté mais apaisé, d’une sérénité surprenante face au plus grand drame qui soit et, en ce sens plus chrétien que d’autres car porteur d’une inébranlable confiance en la résurrection des morts. Il suffit d’y croire. Optimisme ? Oui et donc affaire de volonté. Blaise Pascal n’avait pas fait d’autre pari.
On aime à penser que son homonyme, Maxime Pascal, extirpé de son ensemble Le Balcon pour prendre la direction d’une autre formation atypique – Les Forces majeures – a voulu placer son interprétation du chef d’œuvre de Fauré dans la même optique. L’inquiétude initiale de l’« Introït » dont les cordes graves confirment la sourde appréhension laisse progressivement place à la quiétude angélique d’un « In paradisum » serein, non pas recueilli – car le mysticisme qu’induit le recueillement suppose une part d’ombre – mais béat, au sens religieux du terme, c’est-à-dire heureux en Dieu.
Le point d’inflexion de cette trajectoire optimiste se trouve en un « Pie Jesu » qu’Amel Brahim-Djelloul éclaire d’une lumière dont la pureté sait ne pas aveugler : limpide, doux, tendre. Rarement, voix de soprano ne nous a paru aussi proche de cette voix d’enfant pour laquelle Fauré a conçu à l’origine une mélodie qui s’apparente ici à une berceuse.
Le jeune Chœur de Paris, composé comme son nom l’indique de jeunes chanteurs du Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris, ajoute sa jeunesse à celle des musiciens des Forces majeures dont la moyenne d’âge ne doit pas excéder 30 ans. Cette jeunesse n’est vraisemblablement pas étrangère à l’impression générale d’ingénuité : une sincérité innocente et naïve que l’on perçoit jusque dans la fragilité des pupitres pris séparément quand, ensemble, la vitalité de leur cohésion ne fait pas de doute.
Alexandre Duhamel annoncé souffrant aurait sans doute accentué encore le caractère juvénile et confiant de cette interprétation. Vincent Le Texier, qui le remplace, apporte à l’inverse le poids de la maturité et avec ce bagage, les interrogations et l’anxiété sous-tendues par des couleurs parfois livides. La crainte du jugement dernier qu’évoquent ses interventions dans le « Libera me » nous éloigne de la Jérusalem céleste, entrevue auparavant.
Est-ce cette vision bienheureuse ou la brièveté de l’œuvre qui laisse le public sonné et assis alors que le concert est terminé depuis plusieurs minutes ? De brefs applaudissements saluent les interprètes, comme s’il ne s’agissait que d’une première partie alors que la transcription pour orchestre d’André Caplet du « Clair de Lune » de Debussy et Le Tombeau de Couperin de Ravel avaient déjà servi de hors-d’œuvre, rendus incongrus et floutés par le caractère sacré du lieu et la réverbération naturelle du son.