« Voce che tenera », littéralement : une voix qui attendrit ; le choix de ce titre exprime la teneur affective du récital de Mariella Devia après dix ans d’absence à Pesaro. Dans une robe ajustée mettant en valeur une silhouette restée juvénile, avec la grâce un peu raide qui fait son charme, la chanteuse s’acquitte d’un programme ambitieux et équilibré. Un tiers de Rossini, un tiers de Bellini, un tiers de Donizetti.
En dehors de quelques moments où le dialogue s’instaure entre la soprano et les instrumentistes, l’orchestre conduit par Antonino Fogliani se contente de l’accompagner assez mécaniquement. Les ouvertures de Semiramide et de Marie Stuart sont jouées lourdement, parfois avec de surprenants accrocs. Heureusement, plus vivante et mieux en place, celle de Norma remonte la moyenne.
Si dans la cavatine d’Adelaide de Bourgogne « Occhi miei piangeste assai », la voix est longue à prendre ses marques et si on aimerait une Amenaide avec davantage de candeur vocale pour « Di mia vita infelice… No che il morir non è… » de Tancredi, le chant s’épanouit pleinement dans les volutes des cantilènes belliniennes ; et l’on ne peut qu’être impressionné par la romance de Juliette « Eccomi in lieta vesta… » de I Capuleti e i Montecchi ainsi que par le célèbre « Casta Diva » de Norma. Après une quarantaine d’années d’une carrière exemplaire, la Devia demeure remarquable : souplesse dans les variations, émission franche et précise, et surtout, incroyable contrôle du souffle… Son apparence frêle recouvre un corps athlétique, tout comme sa douceur masque une détermination inébranlable.
Après deux bis, la valse de Musetta dans La Bohême « Quando m’en vo’ », suivie d’une reprise de « Al dolce guidami » d’Anna Bolena, l’insistante et chaleureuse ovation montre combien la Devia demeure l’une des cantatrices préférées du public italien — mais pas seulement, loin s’en faut. Le soir même dans l’ascenseur de l’hôtel, l’une de ses fans américaines, l’oreille collée à son portable, prolongeait le plaisir en écoutant sa diva sur You tube.
Affichée onze fois à Pesaro entre 1986 et 2001, la Devia y revient aujourd’hui — telle sa « fille du régiment » interprétée sur les plus grandes scènes du monde — en vaillant petit soldat du chant. Brava !
Voce che tenera