Événement central de la saison 2013-2014 du Grand Théâtre de Genève, le Ring selon Hugo Metzmacher et Dieter Dorn s’est achevé sur un Götterdämmerung en forme de bilan, puisqu’il résume aussi bien les qualités que les défauts de tout le cycle.
En dépit de quelques belles images, la mise en scène de Dieter Dorn pèche par son manque singulier de propos. Elle se contente en effet de suivre le livret sans qu’une véritable idée la sous-tende. Faut-il le rappeler ? Respecter l’œuvre n’empêche pas d’en proposer une lecture forte. Bien au contraire, ces deux qualités sont aussi nécessaires que complémentaires. Le constat est d’autant plus regrettable que le Rheingold inaugural suggérait des pistes intéressantes (voir le compte-rendu). En contrepartie, cette approche aura permis de réaliser un beau travail de détail sur les personnages et leurs intentions, ce dont Gunther et Gutrune profitent particulièrement. Là où d’autres productions les relèguent au second plan, ce Götterdämmerung leur offre un rôle essentiel dans la dramaturgie.
Vocalement, le plateau est inégal. Petra Lang confirme ici ce que le récent Crépuscule des Dieux de Janowski avait laissé entendre au disque (voir le compte-rendu) : le rôle de Brünnhilde la dépasse. Au premier acte, son interprétation est proprement anémique. Les choses s’améliorent par la suite, mais la soprano reste trop souvent victime des exigences d’une partition inhumaine. John Daszak (Siegfried) semblait plus à l’aise dans l’épisode précédent que dans cette dernière journée. La voix accuse par endroit un métal très prononcé, tandis que la ligne tend à s’égarer au début du deuxième acte. Rien de rédhibitoire, toutefois, et ses moyens vocaux par ailleurs remarquables suffisent à donner vie au héros tragique.
On applaudit sans réserve les Gibichungs. Johannes Martin Kränzle ajoute ainsi aux qualités scéniques de son Gunther une voix riche et autoritaire. Edith Haller, dont la projection sans faille permet de belles nuances, campe une Gutrune de haute tenue. Le Hagen de Jeremy Milner domine vocalement la scène. Le timbre luxuriant confère au personnage une riche palette expressive, où la haine se décline en de subtiles et glaçantes variations. Enfin, chapeau bas à Michelle Breedt pour sa magnifique Waltraute, ainsi qu’aux deux trios féminins : tant les Nornes (Eva Vogel, Diana Axentii, Julienne Walker) que les filles du Rhin (Polina Pasztircsák, Stephanie Lauricella, Laura Nykänen) font montre d’une remarquable homogénéité dans les ensembles, tout en présentant de belles qualités individuelles.
Le véritable point fort de la soirée et de ce Ring en général restera Ingo Metzmacher, à la tête de l’Orchestre de la Suisse romande. Les promesses faites lors du Rheingold ont été tenues tout au long de la Tétralogie, et l’on retrouve ici cet équilibre idéal entre clarté du discours orchestral et opulence du son. Ce Ring genevois avait son Boulez, on regrette qu’il lui ait manqué le souffle d’un Chéreau…
Le cycle complet sera donnée à deux reprises le mois prochain. Plus d’informations sur le site du Grand Théâtre de Genève.