Une page s’est tournée dans la vie de l’Orchestre national de Bordeaux-Aquitaine. Paul Daniel a conduit son dernier concert en tant que directeur. Ce chef britannique à allure de gentleman était à la tête de l’ONBA depuis huit ans. Il avait inauguré son magnifique auditorium en 2013.
Moment de grande émotion côté salle et côté scène lorsqu’à la fin du concert de jeudi l’orchestre et le public se sont levés pour lui faire une standing ovation.
Pour ce dernier concert, Paul Daniel avait programmé le « Chant de la terre » de Mahler. En 2013, il avait dirigé la deuxième symphonie de ce compositeur lors de son premier concert. Un cycle, ainsi, s’achevait.
Le « Chant de la terre » est une œuvre surréaliste inspirée de vieux poèmes chinois, écrite par Mahler en une période de détresse (mort de sa fille, perte de son emploi à l’Opéra de Vienne, découverte de sa maladie de coeur). En suivant les méandres de l’oeuve, on passe de moments de joie rustique à d’autres d’extase absolue.
Deux solistes ont fait vibrer l’âme de cette partition : l’impressionnant ténor Issachah Savage et l’admirable contralto Marie-Nicole Lemieux.
C’est elle qui chanta du plus profond d’elle-même l’ultime passage – celui où, au milieu d’un murmure orchestral, est évoqué l’éternel recommencement de la vie sur terre. Le mot « Ewig » (« éternellement ») revient dix fois tandis que tintent les notes célestes du célesta. Une fois le dernier accord susurré (mystérieux mélange de la mineur et do majeur), un silence figea la salle dans une sorte d’extase.
Marie-Nicole Lemieux avait tout donné d’elle-même. On eut droit, ce soir-là, au meilleur de Lemieux.
« Ewig » ! Ce mot portait en lui l’idée de recommencement. De nouveau départ. C’était un peu l’histoire de l’orchestre de Bordeaux…