Fin d’année belcantiste et mozartienne pour ce dernier concert organisé par Les Grandes Voix qui nous vaut le retour sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées de deux jeunes chanteurs russes, Olga Peretyatko et Dmitry Korchak, partenaires d’une version concert d’I Puritani il y a deux ans en ces mêmes lieux.
A 34 ans, Olga Peretyatko a déjà foulé les planches de la Scala de Milan, du Metropolitan de New-York, des festivals de Pesaro, d’Aix-en-Provence ou de Salzbourg, sans parler des Arènes de Vérone, mais reste peu connue du public parisien (outre I Puritani déjà cité, elle y a également chanté la Juliette d’I Capuletti e i Montecchi, toujours en concert et toujours au TCE). Une fois de plus,la soprano séduit par un timbre délicatement fruité, une émission limpide et une bonne maîtrise technique : trilles, variations et messe di voce sont ici parfaitement exécutées et employés avec goût et intelligence quoiqu’avec un brin d’application. Sans rivaliser avec l’exubérance de certaines de ces plus illustres devancières (Joan Sutherland, June Anderson pour n’en citer que quelques-unes), Olga Peretyatko offre également une belle aisance dans le registre suraigu. La vocalité manque toutefois un peu de souplesse et surtout de variations dans les couleurs ce qui entraine une certaine monotonie du chant. Théâtralement, elle est aussi plus à l’aise dans le registre léger, où elle fait preuve d’une espièglerie de bonne aloi et d’une belle intelligence du texte, que dans le registre dramatique, un peu extérieur. Mais il est vrai que nous sommes au concert et que la scène donnerait sans doute plus d’épaisseur à ses incarnations. Finalement, c’est peut-être dans les extraits de Don Giovanni que la chanteuse se révèle la plus convaincante : depuis que le baroque a investi le répertoire mozartien, il est devenu de plus en plus rare d’entendre des voix lyriques dans la lignée des grandes références du passé.
En quelques années, la voix de Dmitry Korchak a très nettement évolué : le tenorino d’il y a une dizaine d’années a gagné en ampleur et en projection (au point de couvrir assez souvent Peretyatko dans les duos) mais perdu en souplesse : l’air de Roderigo extrait de l’Otello de Rossini est davantage orné sur le centre de la tessiture que dans l’aigu ; le haut medium est un peu instable (d’où une « Furtiva lagrima » qui parfois détone) signe d’une voix en transition, alors que le suraigu di forza, reste absolument impressionnant. Nous ne bouderons donc pas notre plaisir à l’écoute de ces « contre notes » lancées avec aplomb, et on ne peut que saluer l’exploit des neuf contre-ut de La Fille du régiment offerts en bis à la fin d’un programme particulièrement généreux de la part dles deux artistes. Enfin, le chanteur sait proposer également de belles nuances, notamment dans les diminuendi. Là encore, les Mozart se révèle très intéressants, chantés d’une voix virile, non dépourvue de nuances,, qui change des sons excessivement couverts que l’on entend souvent dans ces rôles.
L’Orchestre de Chambre de Paris n’était pas nécessairement au mieux de sa forme ce soir-là, mais Manuel López-Gómez réussit quelques beaux moments, comme une ouverture de Die Zauberflöte où les pupitres se répondent les uns aux autres avec élégance. Dans Don Pasquale en revanche, l’ensemble est bien à la peine pour tenir le rythme imposé par le jeune chef vénézuélien. Quelques décalages viennent troubler les chanteurs mais au global la direction est très attentive et théâtrale. Malgré ces réserves, le concert soulève l’enthousiasme légitime de la salle qui se fendra d’une standing ovation à l’issue du dernier bis : le programme marathon méritait bien cet accueil.