C’est à Ambronay que Philippe Jaroussky donna l’un de ses tout premiers concerts professionnels. Il y a six ans, il y animait sa première master-classe, avec des étudiants de Lyon et de Genève. L’année suivante, il créait son Académie dans le but de favoriser l’accès de tous à la musique et l’insertion professionnelle des jeunes talents (dans quatre disciplines, le chant, le violon, le violoncelle et le piano, que nous n’entendrons pas ce soir). Au terme d’une année de compagnonnage avec leurs professeurs, la promotion « Vivaldi » présente son bilan, le plus prometteur.
Auparavant, la journée avait été d’une densité rare, avec abondance de propositions, comme Ambronay sait le faire. Le chapiteau, la nef de l’abbatiale, la salle Monteverdi, d’autres aussi, autorisent des manifestations simultanées, des musiques métissées à la conférence, comme au récital et au concert. Ainsi faut-il mentionner Les Esprits animaux, six musiciens chevronnés de La Haye, spécialisés dans le répertoire baroque, de Schmelzer au tournant du XIXe S. Autour du fil conducteur de « Music of Thrones » se succèdent des pièces écrites par ou pour les rois, jouées par eux, traversant les cultures occidentales comme le temps, depuis la mort de Ferdinand III à la Révolution française. L’aisance, la liberté, la virtuosité, la dynamique se conjuguent à une connivence constante pour le régal d’un public conquis. La pièce de Dussek narrant la mort de Marie-Antoinette, dans un arrangement pour quatuor à cordes, est d’une force peu commune. A signaler un bis, fort bien chanté par l’altiste, contant l’histoire d’un soldat parti en Flandres, avec un usage traditionnel des instruments. Suit une conférence-témoignage d’une violoniste, musicologue, Mimi Mitchell. Son propos de préciser et de documenter l’histoire de la renaissance du violon baroque, des prémices aux années 80, a passionné son auditoire. Puis c’est un avant-concert, explicitant les modalités de fonctionnement de l’Académie Jaroussky.
Amélie Raison © Bernard Pichène
Enfin, arrive le temps du compte-rendu du travail partagé par maîtres et élèves. Julien Chauvin, dans une forme olympique, dirige de son archet son ensemble Le Concert de la Loge, en symbiose avec tous les interprètes qui vont se succéder au fil de la soirée. Après avoir signalé l’excellence des violonistes (dont Geneviève Laurenceau assurait la responsabilité), et des violoncellistes (avec Christian-Pierre La Marca), nous mettrons l’accent sur quelques-unes des révélations de cette Académie. On retiendra le nom d’Amélie Raison jeune soprano à l’ambitus le plus large, aux graves et au médium solides, voix agile, sonore, à l’articulation exemplaire dans son « In furore » de Vivaldi. La seconde soprano, Julie Prola, aux moyens surprenants, fait preuve d’un tempérament dramatique rare (extrait d’Il tigrane). Benoit Rameau n’est pas en reste, voix longue et souple, émission claire, dans un extrait de la Griselda. Chacun d’eux, avec sa propre personnalité et ses couleurs, porte indéniablement la marque du maître dont ils ont retenu les qualités bien connues. Les interventions de Philippe Jaroussky, seul ou en duo avec tel ou telle de ses étudiants, sont autant de cadeaux, depuis l’émouvant « es ils vollbracht » avec le violoncelle solo, aux pièces les plus virtuoses, servies par une émission idéalement maîtrisée. Avec ses amis Geneviève Laurenceau et Christian-Pierre La Marca, ils mêlent leur voix à celle de leurs protégés, auxquels ils ont transmis le meilleur de leur expérience et de leur savoir. Le public ovationne longuement les acteurs de cette soirée, sans oublier Julien Chauvin et ses musiciens, aussi engagés que les jeunes qu’ils accompagnaient, dans tous les sens du terme.
Le Festival, qui se poursuit jusqu’au 6 octobre, fête ses quarante ans et offre un programme d’une richesse insoupçonnée, où, à côté des « grands » , de William Christie à Jordi Savall ou René Jacobs et Christophe Rousset, un nombre considérable d’ensemble des dernières générations proposent le plus riche programme. A découvrir sur ambronay.org.