Désuet le classique ? Le succès rencontré à l’issue de cette nouvelle production de La Traviata présentée à l’opéra de Massy prouve le contraire. La mise en scène fidèle à l’année de la création de l’ouvrage séduit le spectateur avide de grands décors et de costumes d’époque. Cependant, un manque de crédibilité semble régner, dû à une théâtralité qui ne s’inscrit pas toujours dans l’optique choisie. Le metteur en scène Roberta Marreli aurait-t-elle sous estimé cette difficulté spécifique que requiert une certaine conformité ?
En dépit de quelques bonnes idées qui mériteraient d’être mieux exploitées, la direction d’acteur quasi absente, déçoit beaucoup. Cela se traduit notamment par le manque d’aisance des interprètes peu habitués à évoluer dans les ravissants costumes conçus par Alfredo Troisi (qui signe aussi la scénographie). Couleur noire pour les dames, durant la fête de Violetta qui est habillée en blanc, ou rouge lors de celle de Flora, les robes aristocratiques sont cependant du plus bel effet. S’appuyant sur une structure unique, les décors relativement sobres suggèrent efficacement les divers lieux de l’intrigue : les salons mondains de l’époque romantique, la maison de campagne, la chambre de Violetta. Disposés parfois de manière hasardeuse et maladroitement utilisés, quelques accessoires habillent le plateau. Les danseurs du Ballet Español de Murcia apportent leur pierre à l’édifice, notamment au début du deuxième tableau de l’acte II où ils offrent une performance qui renforce avec panache le climat exotico-espagnol.
Dans le rôle exigeant de Violetta, Ainhoa Garmendia remporte un succès bien mérité. Sa voix maitrisée au timbre moelleux s’accorde parfaitement au volume de la salle. Grâce à une technique certaine, la chanteuse exprime avec conviction les diverses émotions qui traversent le personnage. L’acte I permet d’apprécier toute l’agilité requise ainsi que les notes aiguës, dont le mi bémol final projeté avec éclat. Cette performance vocale s’accompagnent d’un jeu scénique crédible qui aurait gagné à être plus subtil. Notons cependant cette dernière image bouleversante où Violetta plonge dans les bras d’Alfredo avant de se courber en arrière, frappée par la mort. Si Andrès Veramendi possède tous les moyens pour interpréter Alfredo Germont, son manque d’assurance semble lui porter préjudice. Les notes sont là mais le chant mériterait d’être mieux contenu et nuancé afin de faire ressortir l’amour, la passion où encore la rage censés l’animer et dont nous sommes hélas, privés. Javier Galán campe un Giorgio Germont insipide. Certes, la couleur sombre de la voix correspond au personnage. C’est à peu près tout. Les aigus forcés fragilisent ses intentions d’autant plus que la diction s’avère douteuse. Pour sa défense, l’absence de direction d’acteur n’aide pas l’interprétation.
Dominique Rouits dirige avec engagement l’orchestre de l’Opéra de Massy. Soucieux du confort des chanteurs, il tire son épingle du jeu, mais le manque de précision affecte l’homogénéité de l’ensemble qui peine donner du relief à la partition.