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Sacrificium — Baden-Baden

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Spectacle
8 novembre 2009
Cecilia triumphans

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Détails

Cecilia Bartoli Mezzo soprano
Il Giardino Armonico, dir. Giovanni Antonini
Nicolò Porpora
Symphonie de Meride e Selinunte
Leonardo Vinci
Cervo in bosco (Medo)
Riccardo Broschi
Chi non sente al mio dolore (La Merope)
Nicolò Porpora
In braccio a mille furie (Semiramide riconosciuta)
Ouverture de Germanico in Germania
Parto, ti lascio o cara (Germanico in Germania)
Francesco Maria Veracini
Ouverture n° 6
Nicolò Porpora
Come nave (Siface)
Leonardo Leo
Qual farfalla (Zenobia in Palmira)
Francesco Araia
Cadrò, ma qual si mira (Berenice)
Nicolò Porpora
Usignolo sventurato (Siface)
Carl Heinrich Graun
Misero pargoletto (Demofoonte)
Giuseppe Sammartini
Concert pour flûte, cordes et basse continue en fa majeur
Antonio Caldara
Quel buon pastor (La morte d’Abel)
Nicolò Porpora
Ouverture de la cantate Gedeone et Perdono, amata Nice
Leonardo Vinci
Quanto invidio la sorte… Chi vive amante (Alessandro nelle Indie)
Nicolò Porpora
Nobil onda (Adelaide)
Rappels :
Georg Friedrich Händel
Lascia la spina
Geminiano Giacomelli
Sposa, non mi conosci (Merope)– Da capo
Riccardo Broschi
Son qual nave (Artaserse) – Da capo
Baden-Baden, Festspielhaus, Dimanche 8 novembre 2009

On pensait ne jamais pouvoir entendre ce à quoi ressemblait le chant des castrats, puisqu’il y a bien longtemps que le couteau n’est plus de mise à Naples pour sacrifier la virilité de milliers de garçons à la gloire de la musique. En effet, aucune voix humaine pas plus qu’une artificielle combinaison de registres féminin et masculin mêlés (comme pour le film Farinelli) ne semblaient pouvoir approcher un son définitivement éteint : eh bien, Cecilia Bartoli nous en restitue une possible correspondance, emportant une adhésion pour ainsi dire sans réserve ni du public ni des critiques.

   

L’auditoire de Baden-Baden a été doublement comblé car, en plus de la performance éblouissante d’une succession d’airs de bravoure et de fureur atrocement difficiles et contraignants, il a pu découvrir des pièces extrêmement rares, écrites spécialement pour les castrats. Accompagnée par une formation baroque emmenée avec délicatesse et émotion par Giovanni Antonini qui prenait le relais après chaque série d’airs alternant bravoure et virtuosité (pas moins de quinze tous cruellement exigeants), la Bartoli nous a initié à des partitions quasiment oubliées (reprises à quelques variantes près de son dernier disque Sacrificium, l’école des castrats), les habitant avec une force et une évidence remarquables qui nous les ont instantanément fait devenir familières. Son interprétation a rendu logique et évident le passage entre les chants baroque et romantique, liant la vocalité baroque au bel canto rossinien (un Rossini lui-même doté d’une très belle voix et qui avait évité de justesse la castration !) et même bellinien dans une continuité harmonieuse. Le programme a permis d’approcher la variété des rôles (femmes, hommes, héros de l’Antiquité…) ainsi que les personnalités les plus éminentes de l’ère des castrats : l’incontournable Porpora, professeur des plus grands d’entre eux, mais aussi compositeur passionnant, on le découvre ici, sans oublier des concurrents particulièrement féconds de l’époque, dont Riccardo Broschi, qui écrivait pour son célébrissime frère, Farinelli. La diva nous gratifie d’ailleurs, sur l’un des airs interprétés par ce dernier, d’une variation da capo en point d’orgue et feu d’artifice de sa prestation.

   

Paradoxalement, ce n’est pas dans la liberté d’improvisations des arie da capo qu’elle se montre la plus émouvante mais quand elle prouve que les castrats n’étaient pas que pures machines à chanter, qu’ils exprimaient évidemment une émotion intense ailleurs que dans la pure virtuosité. Dans ce registre, l’artiste nous a transporté. Quant à sa pyrotechnie vocale, roucoulades et trilles physiquement épuisants ont paru ne lui peser en rien, forçant le respect et déchaînant l’enthousiasme d’un public nécessairement embrasé par l’énergie inextinguible et hautement communicative d’une artiste qui a proprement mis le feu à la salle. Clin d’œil qui nous a prouvé que le Vésuve pouvait entrer en éruption ailleurs qu’à Naples, mère patrie des castrats.

 

Certes, les puristes forcenés auront trouvé certaines vocalises un peu approximatives dans une avalanche de notes où quelques-unes d’entre elles ont pu être sacrifiées en chemin, mais cela semble dû essentiellement à la volonté de l’artiste de ne plus laisser voir les déformations maxillaires nécessaires à l’émission de ses rossignolades. Pourquoi vouloir à tout prix masquer le travail si impressionnant par une invisibilité qu’on ne lui demande pas ? La Bartoli soigne son apparence, évidemment, pour rendre compte de l’ambiguïté des castrats, sans forcément en exagérer l’androgynie ni le travestissement. À chaque nouvelle apparition, la star se dépouille d’un élément (chapeau à plume, puis cape, manteau et gilet), mise à nu dont le spectateur pouvait se demander jusqu’où elle allait aller, mais réapparaît pour les rappels vêtue d’une robe au corset d’or et de lumière orné de seules pendeloques en lieu de bijoux, avec une époustouflante traîne drapée en rideau de théâtre autour des cuissardes – mise en abyme du théâtre et de son chant. Sens aigu de l’autodérision, réflexion puissante et juste sur ce qu’est la voix et l’opéra, atteignant ici un apogée.

 

Notes tenues, diminuendo jusqu’à quasi épuisement, puis crescendo et achevées en pyrotechnies, auraient pu ou dû provoquer des vapeurs chez les âmes les plus sensibles. Personne ne s’est effondré mais la salle, pleine à craquer, se leva comme un seul homme pour ovationner la diva prodigieuse dont on se dit qu’elle peut absolument tout se permettre… Inoubliable soirée, unique, mais dont on imagine sans peine que la magie se renouvellera au cours de chacun des récitals programmés les 10 novembre à Amsterdam, les 15 et 17 novembre à Bruxelles, les 20 et 22 novembre à Paris, le 24 novembre à Londres, ainsi qu’à Zurich, Barcelone et Madrid en décembre notamment.

 

 

 

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Cecilia Bartoli Mezzo soprano
Il Giardino Armonico, dir. Giovanni Antonini
Nicolò Porpora
Symphonie de Meride e Selinunte
Leonardo Vinci
Cervo in bosco (Medo)
Riccardo Broschi
Chi non sente al mio dolore (La Merope)
Nicolò Porpora
In braccio a mille furie (Semiramide riconosciuta)
Ouverture de Germanico in Germania
Parto, ti lascio o cara (Germanico in Germania)
Francesco Maria Veracini
Ouverture n° 6
Nicolò Porpora
Come nave (Siface)
Leonardo Leo
Qual farfalla (Zenobia in Palmira)
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Baden-Baden, Festspielhaus, Dimanche 8 novembre 2009

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