En ce dimanche, c’est au tour de la Carmen d’Adèle Charvet et et du Don José de Jérémie Schütz d’entrer dans l’arène de l’auditorium de l’Opéra de Bordeaux. En alternance avec Aude Extrémo et Stanislas de Barbeyrac (voir compte rendu), ils chantent pour la première fois la version complète de l’œuvre. Faire des comparaisons entre les deux distributions serait inapproprié. Livrés souvent à eux-mêmes, avec des allers-retours en avant-scène devant l’orchestre sur un plateau étroit et glissant, les artistes ont quelques difficultés à investir leurs personnages.
Très attendue par le public, Adèle Charvet séduit immédiatement. Tout est basé sur l’élégance. Une élégance physique et vocale. Elle est Carmen. Malheureusement au fil des actes, il semble que la fatigue l’éprouve dans certains passages de la tessiture. Ses belles couleurs cuivrées et ses graves envoûtants du premier acte s’estompent, la voix semble plus faible, les aigus et les gestes sont retenus. Avec classe, tout est chez elle, prudence. Un peu trop pour être une Carmen libre. L’avenir dira le reste.
Adèle Charvet et Jérémie Schütz © Eric Bouloumié
À l’opposé, Jérémie Schütz est d’emblée Don José. Il porte le poids du passé du personnage dans le jeu et la voix. Mais c’est d’abord son style vocal qui interpelle. Les plus jeunes ne connaissent pas ces voix sombres, vaillantes, gardant toutefois l’expressivité dans les moindres détails. L’oreille d’aujourd’hui n’est plus habituée. Jérémie Schütz impressionne surtout lorsqu’il projète sa voix unique et puissante, aux aigus percutants. Nous sommes en effet loin de la préciosité de certains Don José. Se situant plus dans la lignée des Mario Del Monaco, Franco Corelli… C’est un bol de nostalgie qu’offre ce ténor en nous faisant redécouvrir un autre Don José. Alors que, dès les premières notes du duo avec Micaëla on est un peu perdu, on se laisse vite entrainer dans la fougue intérieure et extérieure de son personnage. Persécuté du début à la fin de l’ouvrage, ne décidant plus, subissant les pressions physiques et sentimentales des uns et autres, ses sentiments ne lui appartiennent plus. Jérémie Schütz est habité par Don José.
En cette séance de dimanche, Chiara Skerath en Micaëla a bouleversé la salle. La clarté de son chant tout en nuances et surtout la projection lumineuse de sa voix, sont époustouflantes. C’est une grande Micaëla. En tête de l’applaudimètre, elle a soulevé l’enthousiasme du public qui lui fait une ovation pleinement méritée.