Forum Opéra

Boris Godounov — Nice

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Spectacle
13 février 2011
Grand chef en petite forme

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Opéra en 7 tableaux (version originale de 1869)
Livret du compositeur, d’après la tragédie de Pouchkine (1825)
Créé à Saint-Pétersbourg (Théâtre Mariinsky) le 8 février 1874 (dans sa deuxième version)

Détails

Production du Théâtre du Capitole de Toulouse (1998)

Mise en scène et scénographie, Nicolas Joël (réalisée par Stéphane Roche)
Costumes, Gérard Audier
Lumière, Stéphane Roche
Boris Godounov, Evgeny Nikitin
Fiodor, Maria Gortsevskaya
Xénia, Khatouna Gadelia
La nourrice, Marie Noële Vidal
Le Prince Chouïski, Andrey Popov
Pimène, Brindley Sherratt
Grigori, alias le Faux-Dimitri, Evgeny Akimov
Varlaam, Gennady Bezzubenkov
Missaïl, Thomas Morris
L’aubergiste, Nona Javakhidze
L’Innocent, Andrey Zorin

Chœur et Chœur d’enfants de l’Opéra de Nice

Chef des chœurs, Giulio Magnani et Philippe Négrel
Orchestre Philharmonique de Nice
Direction musicale, Gennadi Rozhdestvensky
Théâtre de l’Opéra, Nice, dimanche 13 février 2010

S’il est un opéra où l’on se trouve devant la difficulté, pour ne pas parler de casse-tête, de faire un choix entre le nombre de versions existantes, c’est bien Boris Godounov, le chef d’œuvre de Modeste Moussorgsky. L’Opéra de Nice a retenu la version primitive de 1869, version que Nicolas Joël avait déjà choisie pour cette production créée au Capitole de Toulouse en 1998 (avec José van Dam dans le rôle-titre). La meilleure solution selon nous car elle recentre l’action sur le personnage principal, Boris Godounov torturé par les remords, que l’on suit, pas à pas, à travers son ascension, son couronnement puis sa chute… L’efficacité dramatique de la prime version est ici renforcée par le fait que cette mouture de deux heures, particulièrement resserrée, est donnée sans entracte, imposant ainsi une vraie unité dramaturgique2.

 

Une fois de plus, nous avouons ne pas avoir été convaincu par la conception scénique et les partis pris de Nicolas Joël. L’actuel patron de l’Opéra de Paris transpose ainsi l’action à l’époque révolutionnaire, autres temps troublés de l’éternelle Russie, mais il n’étoffe guère plus avant ce propos qui reste essentiellement caractérisée par le décor et surtout les costumes, réduits par ailleurs à un dépouillement et une monochromie extrêmes. Les murs noirs du plateau constituent l’essentiel du dispositif scénique et finissent rapidement par lasser, sans compter qu’ils entrent vite en conflit avec les lieux où sont censés se dérouler l‘action, oblitérant l’authenticité historique ainsi que la spécificité russe de l’ouvrage. Mais surtout, les quelques idées qui émergent ici et là s’avèrent, au final, n’être que de simples « trucs », au mieux agaçants, au pire ratés, révélant avant tout une absence de véritable pensée dramaturgique. La direction d’acteurs est, quant à elle, toujours aussi sommaire, notamment dans le traitement des chœurs, généralement rangés en rangs d’oignons… Seuls les superbes éclairages tamisés, signés Stéphane Roche1, procurent quelques satisfactions dans une production décidément bien terne.

 

Nous avions déjà entendu le Boris d’Evgeny Nikitin, qui, lors de son interprétation du rôle au Théâtre du Châtelet en décembre 2005, avait divisé la rédaction. Depuis, l’artiste a muri son personnage, dans son chant comme dans son incarnation,et notre propre jugement reste partagé. Si vocalement, le baryton russe a gagné en assurance, avec une voix qui s’est corsée, toujours aussi musicale, il fait cependant encore défaut, à l’acteur, ce surplus de magnétisme, de démesure et de tourment sans lesquels on ne peut incarner un grand Boris. Sa mort manque aussi singulièrement d’émotion.

Idem pour le Chouïsky d’Andrey Popov. Si le chanteur nous a gratifié d’aigus saisissants (bien que certains soient restés comme étrangement coincés), le personnage visqueux et fourbe, qu’il se doit d’être, n’est pas pleinement rendu ici3.

Avec sa voix de basse profonde, magnifiquement timbrée, et une interprétation tout empreinte d‘humanité et de sagesse, la basse anglaise Brindley Sherratt est le grand gagnant de la matinée à l’applaudimètre. Il nous offre deux récits d’un superbe lyrisme, conduits avec un sens du phrasé absolument remarquable. Grigori, alias le Faux-Dimitri, trouve dans le ténor Evgeny Akimov un interprète solide, à la voix d’une rare puissance et aux aigus brillamment dardés, traduisant bien toute l‘ambition du personnage. La présence scénique de l’acteur est fort convaincante, aidée en outre par un physique avenant. Le rôle de Varlaam est lui magnifiquement campé par Gennadi Bezzubenkov, tout en gouaille et truculence.

Mentionnons aussi les rôles secondaires, tous fort bien caractérisés.

 

L’Orchestre Philarmonique de Nice était placé sous la direction d’un des derniers géants russes de la direction d’orchestre, l’immense Gennadi Rozhdestvensky. Très affaibli et diminué en ce dimanche printanier, le chef russe n’a pu donner la pleine mesure de son talent en insufflant à cette sublime musique tout le souffle et le tonus qu’elle exige2. Même si les splendeurs de l’orchestration de Rimsky-Korsakov ne sont pas de mise ici, avec le choix très pertinent – nous ne le répéterons jamais assez -, de la première version, l’orchestre manque néanmoins de dynamisme et peine à faire ressurgir toute la férocité, la rudesse et les aspérités d’une partition visionnaire.

Enfin, le peuple de Russie, acteur à part entière du drame, est chanté et incarné par un Chœur de l’Opéra de Nice (et sa Maîtrise d’enfants) d’une bien belle plénitude et homogénéité. Nous ne leur avons pas toujours connu une telle cohésion. Loué soit donc le travail accompli par leur chef attitré, Giulio Magnanini.

 

 

 

1 A qui était également dévolu la réalisation de cette production de Nicolas Joël.

2 Cette seconde représentation a finalement dû être interrompue par un entracte après le quatrième tableau à la demande du chef qui, épuisé, a tenu à faire une pause pour pouvoir mener à bien sa tâche.

3 Rappelons que Chouïsky est le moteur du drame. C’est lui qui entraîne Boris dans la déchéance. Bien que finalement peu présent sur scène, il n’en est pas moins le deuxième protagoniste de l’histoire (du moins dans la version de 1869, celle de 1874 faisant la part belle au Faux-Dimitri). Enfin, juste pour l’anecdote – pour le moins troublante vu le personnage qu‘il incarne – Andrey Popov qui l’interprète ici ressemble étrangement à Vladimir Poutine !

 

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

2

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Opéra en 7 tableaux (version originale de 1869)
Livret du compositeur, d’après la tragédie de Pouchkine (1825)
Créé à Saint-Pétersbourg (Théâtre Mariinsky) le 8 février 1874 (dans sa deuxième version)

Détails

Production du Théâtre du Capitole de Toulouse (1998)

Mise en scène et scénographie, Nicolas Joël (réalisée par Stéphane Roche)
Costumes, Gérard Audier
Lumière, Stéphane Roche
Boris Godounov, Evgeny Nikitin
Fiodor, Maria Gortsevskaya
Xénia, Khatouna Gadelia
La nourrice, Marie Noële Vidal
Le Prince Chouïski, Andrey Popov
Pimène, Brindley Sherratt
Grigori, alias le Faux-Dimitri, Evgeny Akimov
Varlaam, Gennady Bezzubenkov
Missaïl, Thomas Morris
L’aubergiste, Nona Javakhidze
L’Innocent, Andrey Zorin

Chœur et Chœur d’enfants de l’Opéra de Nice

Chef des chœurs, Giulio Magnani et Philippe Négrel
Orchestre Philharmonique de Nice
Direction musicale, Gennadi Rozhdestvensky
Théâtre de l’Opéra, Nice, dimanche 13 février 2010

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

This be her Verse, par Golda Schultz et Jonathan Ware

La parole aux femmes
CDSWAG

Le Bourgeois Gentilhomme

Un gentilhomme en fête
CDSWAG

Debussy La Damoiselle élue

Lignes claires
CDSWAG

Les dernières interviews

Stanislas de Barbeyrac : « Il y aura peut-être un jour Tristan, si je suis sage »

Interview

Questionnaire de Proust – Sophie Koch : « Christian Thielemann compte beaucoup pour moi »

Interview

Sophie Koch : « Aborder Isolde, c’est être devant l’Everest »

Interview

Les derniers dossiers

Questionnaire de Proust

Dossier

Les grands entretiens de Charles Sigel

Dossier

Philippe Boesmans (1936 – 2022)

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Die Frau ohne Schatten – Baden-Baden

Le rêve de l’enfant
Kirill PETRENKO, Elza VAN DEN HEEVER
Spectacle

Test je peux pas publier 2 mais après oui

Spectacle

Test Editeur modifier sans relecture nécessaire

Spectacle

INSTANT LYRIQUE Alexandre Marcellier, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur — Paris (Opéra Comique)

Les servantes écarlates
Marie-Andrée BOUCHARD-LESIEUR, Yoan BRAKHA, Alexandra MARCELLIER
Spectacle