La réussite de ce « concert théâtralisé » intitulé, Berlioz le fantastique… Épisodes de la vie d’un artiste, est le résultat de la volonté et du savoir-faire de trois partenaires. Le privilège de présenter le spectacle au public revient, comme il se doit à Jean-Philippe Sarcos, fondateur et directeur musical d’un ensemble atypique, Le Palais Royal (orchestre et chœur) avec lequel il interprète la musique, baroque, classique et romantique sur instruments d’époque. Le chef insiste sur le côté émouvant de se trouver, pour honorer Berlioz, dans ce lieu unique où le compositeur « vécut, étudia, dirigea et créa ses chefs-d’œuvre, notamment La Symphonie fantastique », préservé comme par miracle en parfait état. Non sans luttes, c’est Berlioz qui imposa la « résurrection » d’un style musical français – jamais renouvelé depuis la mort de Rameau. Comme on le sait, les ravages causés par les révolutions, ont permis aux Italiens de prendre la main pendant des années sur toutes nos institutions culturelles.
Le livret conçu par Emmanuel Reibel, musicologue, auteur de nombreux livres sur la musique et conférencier, assure la continuité dramatique de ce spectacle composite. (Incidemment, son prochain ouvrage : Berlioz, 1869 – 2019, cent cinquante ans de passions, paraîtra en avril)
Par un réglage au millimètre des entrées et sorties des comédiens, solistes et masses chorales, sans aucun instrument – hormis un piano (Érard 1902 ! – joué amoureusement par l’excellent pianiste Orlando Bass – la mise en espace, conçue par le jeune metteur en scène Benjamin Prins est remarquable de fluidité. Au point qu’elle semble parfois relever de la magie. Avec seulement quelques accessoires, les saynètes se succèdent avec naturel et dégagent un charme romantique de bon aloi, surtout grâce à de jolis costumes alternant avec des tenues contemporaines.
Avec un physique idéal pour incarner Berlioz, le comédien Frédéric Le Sacripan est étonnant, tant il ressemble à Berlioz jeune. Lui même en a été surpris. Quand on lui fait la remarque, il répond avec malice que c’est peut-êre parce qu’il est né à Grenoble, non loin de la Côte-Saint-André. Il sait d’ailleurs se montrer aussi révolté, fougueux, insubordonné, passionné, désespéré que son modèle… On ne serait pas surpris que le personnage du compositeur lui colle à la peau par la suite.
Les étudiants en médecine et divers comparses, garçons et filles, passent avec aisance d’un rôle à l’autre. Quant aux artistes des chœurs, dirigés par Sarcos avec une énergisante souplesse : ils effectuent un travail remarquable tant sur le plan vocal que dans leurs déplacements et nombreux changements de costumes. Tous participent discrètement et prestement à la manipulation des petits meubles et accessoires.
On regrette seulement l’absence de sur-titres indiquant les références des œuvres interprétées et les paroles des chœurs, toujours difficiles à comprendre. Hélas la salle ne possède pas l’équipement adéquat.
Parmi les moments de grâce, citons : La Symphonie fantastique, le bal, dans la transcription piano de Liszt ; le « Rondo nocturne » du Ballet des Ombres. Et surtout, le sublime « Adieu des Bergers à la crèche » de L’enfance du Christ, particulièrement émouvant dans cette mise en images.