Après une soirée d’ouverture du Festival d’été décevante au San Carlo de Naples, touristes et habitués se réunissent autour d’un ouvrage du répertoire on ne peut plus italien et grand public : Aida. Certains des défauts de la veille ne se règlent pas en une nuit. On passera sur quelque couac bénin des fameuses trompettes, mais l’orchestre pêche toujours par la faiblesse de ses premiers violons, acides et timides, par sa petite harmonie stridente, ou encore des percussions tintammaresques dans les codas orchestrales. A l’opposé de sa proposition de la veille, lente et retenue, Pinchas Steinberg mène les affaires égyptiennes tambours battants, ce qui, d’une part convient davantage tempérament de la phalange napolitaine, et d’autre part insuffle vie au drame.
D’autant que le San Carlo aligne une distribution homogène et de qualité, à commencer par les comprimari dignes des plus grandes scènes. Giovanni Meoni (Amonasro), charismatique dès qu’il apparaît en scène, déploie une voix puissante sur une ligné irréprochable et un timbre mordoré. Le Roi (Dario Russo) ravit l’auditoire de qualités identiques en y ajoutant la chaleur qu’il faut au personnage. Riccardo Zanellato (Ramfis) complète ces clés de fa remarquables d’une voix au beau métal. Les chœurs, homogènes et en place, contribuent à l’électricité de la scène de triomphe, quand Rossela Locatelli (la Prêtresse) fait naitre le mystère du temple de Vulcain grâce aux épices et au grain de son timbre. Du trio amoureux c’est Kristin Lewis qui convainc le plus. Certes le volume est limité mais les nuances (ut du Nil piano compris) et l’intégrité irréprochable. Les quelques duretés que l’américaine rencontre, dans le passage ou à l’aigu, sont intelligemment utilisées à des fins dramatiques au service de personnage. Nino Surguladze limite l’usage de la voix de poitrine autant qu’elle le peut et s’attache à dresser le portrait d’une amoureuse, peut-être jalouse mais point tortionnaire. Enfin Antonello Palombi se présente sous un double jour : spinto au registre supérieur aisé et à la puissance indéniable il excelle dans les scènes de groupe ou encore dans le final de l’acte du Nil. Il a, en revanche, plus de difficulté à alléger son chant. S’il tente un si bémol morrendo à la fin de « Celeste Aida » il n’y parvient qu’au prix d’un passage en falsetto. Celui-là est réussi mais la soirée sera émaillée de ratés et le duo dans la tombe finira déséquilibré.
© Teatro San Carlo di Napoli
Franco Dragone esthétise le propos d’Aida au détriment de la direction d’acteur qui reste au premier degré. Les lieux sont esquissés, voire même interchangeables. Ainsi de grandes et grosses cordes tressées figurent-elles à la fois les rideaux des palais ou le marbre d’une colonne quand les esclaves les rassemblent en faisceaux pour leur en donner la forme. Cette indéniable élégance est relevée par des projections permanentes en fond de scène (apparaissent les pyramides, un ciel orage, de la pluie…) plus heureuses et dynamiques qu’une toile peinte. La plus belle réussite reste le final du deuxième acte où les éthiopiens vaincus arrivent par les travées du parterre, pendant que l’ombre projetée de Radames sur un drap en or domine tout le théâtre.