Pas évident de garder le meilleur quand on a auparavant frisé l’excellence. Tancredi, qui referme l’édition 2012 du Festival de Pesaro, tente de vérifier l’adage en réunissant l’une des meilleures distributions possibles dans cet opéra aujourd’hui. Mais, après les sommets atteints par Matilde di Shabran et Ciro in Babilonia, à l’impossible nul n’est tenu.
Le choix d’une version de concert porte préjudice à une œuvre composée par Rossini à 21 ans, dont la cohérence dramatique n’est pas encore totalement affirmée. C’est en effet le théâtre qui fait défaut tout au long de la représentation malgré la direction survoltée d’Alberto Zedda. A plus de 80 ans, le maître des lieux cravache la partition comme un jeune homme. Quelques décalages, notamment dans le final du premier acte, sont le prix de ce trop plein d’énergie. Mais paradoxalement, dans le flot jaillissant de musique, les récitatifs, bien qu’écourtés, semblent souvent traîner en longueur. Le melodramma eroico a alors tendance à se réduire à une succession de numéros, prétextes à feux d’artifice vocaux. Cela convient à Antonino Siragusa, toujours un peu cabotin, qui balance crânement ses deux airs avec l’assurance et les aigus percutants qu’on lui connaît. Cela fait moins l’affaire de Daniela Barcellona. Grande titulaire d’un rôle qu’elle interprète ce soir sans partition, contrairement à ses partenaires, la mezzo-soprano délivre un chant impeccable auquel seule l’émotion fait défaut. L’engagement n’est pas en cause mais l’urgence de la scène manque pour transcender ce personnage de chevalier brimbalé par ses sentiments. Dans ces conditions on retient avant tout le nom d’Elena Tsallagova (Amenaide). Cette élève d’Ileana Cotrubas, remarquée dans Il Viaggio a Reims à Pesaro et à Anvers mais aussi en Melisande à l’Opéra de Paris, fait son miel d’une écriture qui met en valeur la fraîcheur du timbre, le suraigu et la colorature. Selon la place que l’on occupe dans un Teatro Rossini à l’acoustique inégale, les forte sonnent plus ou moins durs et les vocalises apparaissent plus ou moins déliées. Le portrait dessiné n’en reste pas moins touchant.
Le rôle d’Orbazzano offre malheureusement peu l’occasion à Mirco Palazzi d’exposer ses nombreuses qualités vocales, mais Carmen Romeu en Roggiero et surtout Chiara Amarù en Isaura achèvent de placer la soirée sous le signe de l’espoir.
Version recommandée :
Tancredi | Gioacchino Rossini par Alberto Zedda