Charles Workman est ténor, il a étudié à la Juilliard. De chanteur mozartien et rossinien, il est devenu un ténor héroïque, heureux de défendre les musiques des XXe et XXIe siècles. Sur Forumopera, il vient d’être encensé pour son dvd d’Ulysse de Monteverdi. Il se soumet à notre questionnaire de Proust-lyrique.
Mon meilleur souvenir dans une salle d’opéra ?
Le premier jour de répétition de Babylone de Jörg Widmann au Staatsoper de Berlin, lorsque j’ai vu ma collègue Susanne Elmark pour la première fois et que j’ai ressenti une connexion immédiate avec elle (nous sommes maintenant mariés !).
Mon pire souvenir dans une salle d’opéra ?
Un collège renvoyé peu avant la première parce que le directeur ne l’aimait tout simplement pas (elle pouvait chanter le rôle, l’administration artistique aurait dû la défendre).
Le livre qui a changé ma vie ?
Je pourrais difficilement dire qu’un livre a changé ma vie, mais mon roman préféré est Le Maître et Marguerite de Boulgakov.
Le chanteur mort que je voudrais ramener à la vie pour chanter avec ?
N’importe quel chanteur de ma génération qui est mort jeune – puissent-ils encore être avec nous.
Mon plus grand moment de grâce dans un musée ?
Je dois avouer que je ne suis pas un grand fan des musées, je préfère passer mon temps libre dans les nouvelles villes à l’extérieur, en explorant les parcs et les quartiers.
La ville où je me sens chez moi ?
Je me suis senti chez moi dans la plupart des villes où j’ai travaillé, mais j’ai travaillé plus souvent à Paris qu’ailleurs, si bien que je me sens toujours comme chez moi lorsque j’y retourne.
La ville qui m’angoisse ?
Je n’ai jamais ressenti d’anxiété à cause d’une ville en particulier, mais je préfère la tranquillité de la campagne.
Ce qui, dans mon pays, me rend le plus fier ?
Je n’ai jamais été patriote et, bien que je me sente chanceux d’avoir été élevé aux États-Unis, je me sens bien plus citoyen du monde que d’un seul pays (pour l’instant, j’ai la citoyenneté des États-Unis et du Royaume-Uni, et j’espère avoir la citoyenneté suisse avant la fin de l’année).
Le metteur-en-scène dont je me sens le plus proche ?
Robert Carsen, sans le moindre doute ! Nous nous connaissons et travaillons régulièrement ensemble depuis le début de ma carrière, il y a de cela une trentaine d’années – je n’ai jamais vu une de ses productions qui ne m’ait pas ému !
Mon pire souvenir avec un chef ?
J’ai été renvoyé (mon premier Idomeneo) parce que le chef d’orchestre voulait engager quelqu’un d’autre (il m’a expliqué que ce n’était pas « contre moi », mais que j’avais été engagé avant lui et qu’il n’avait pas eu son mot à dire). Je suis rentré chez moi, mais environ 5 jours plus tard, le théâtre m’a appelé et m’a demandé de revenir (j’ai accepté – après avoir négocié quelques avantages supplémentaires)
Si j’étais une symphonie ?
La première de Brahms.
Et une sonate ?
L’Appassionata de Beethoven
Et un quatuor à cordes ?
Si on peut me permettre un sextuor, alors celui qui ouvre Capriccio de Strauss. J’ai connu le sextuor avant de faire l’opéra, et depuis que j’ai joué Flamand (le « compositeur » du sextuor), j’en suis un peu propriétaire !
Si j’étais un Lied ?
De Strauss, Freundliche Vision (en raison de l’enregistrement sublime de Fritz Wunderlich).
Si je devais chanter à mes propres obsèques, quelle serait la dernière pièce du programme ?
Nachstück de Schubert
Le chanteur du passé qui me rend fou ?
Fritz Wunderlich
Le chanteur du présent qui me rend fou ?
Susanne Elmark (et pas seulement parce que c’est ma femme – sa voix est exquise !!)
Si j’étais un personnage de Harry Potter ?
Ron Weasley, j’imagine – pas le héros, mais un personnage secondaire important.
Le compositeur auquel j’ai envie de dire “mon cher, ta musique n’est pas pour moi” ?
Pour moi, la musique est une question d’expression et si je trouve un compositeur « difficile », cela me pousse à découvrir comment exprimer et chanter la musique au mieux de mes capacités, pour la FAIRE « pour moi ».
Mon pire souvenir historique des 30 dernières années.
Le 11 septembre, non seulement pour l’horreur pure de l’événement, mais aussi pour toutes les erreurs qui ont été commises dans son sillage.
Le rôle que je ne chanterai plus jamais.
Don Narciso. Bien sûr, je ne chante plus de Rossini, mais j’ai toujours détesté ce rôle.
Ma devise«
Vous avez déjà essayé, vous avez déjà échoué, peu importe, essayez encore, échouez encore, échouez mieux. » (Sam Beckett via Stan Wawrinka)