Forum Opéra

Moses und Aron — Paris (Bastille)

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Spectacle
20 octobre 2015
A Bastille, Castellucci maîtrise son langage

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes (dernier acte inachevé)

Livret du compositeur

En coproduction avec le Teatro Real de Madrid

Détails

Mise en scène, décors, costumes, lumières
Roméo Castellucci

Chorégraphie
Cindy Van Acker

Collaboration artistique
Silvia Costa

Dramaturgie
Piersandra Di Matteo, Christian Longchamp

Moïse
Thomas Johannes Mayer

Aaron
John Graham-Hall

Une jeune fille
Julie Davies

Un jeune homme
Nicky Spence

Le jeune homme nu
Michael Pflumm

Un homme
Chae Wook Lim

Un autre homme, un Ephraïmite
Christopher Purves

Un prêtre
Ralf Lukas

Quatre jeunes filles nues
Julie Davies, Maren Favela, Valentina Kutzarova, Elena Suvorova

Trois vieux
Shin Jae Kim, Olivier Ayault, Jian-Hong Zao

Choeurs et Orchestre de l’Opéra National de Paris

Chef des choeurs
José Luis Basso

Chef des choeurs adjoint
Alessandro Di Stefano

Direction musicale
Philippe Jordan

Paris, Opéra Bastille, le mardi 20 octobre 2015, 19h30

Un demi-siècle après Parsifal, où Wagner, en renonçant à décrire le Graal, mettait au cœur de sa dernière œuvre une gigantesque interrogation, Arnold Schoenberg se penchait, avec Moses und Aron, sur  la foi révélée, intimement intégrée mais impossible à dire, inapte au partage. De ces deux opéras de l’ineffable qui posent cruellement la vanité de toute représentation comme préalable à ceux qui sont chargés de les représenter, le plus récent n’est sans doute pas le plus aisé, avec l’exigence de son livret, l’âpreté et la radicalité de sa musique. Et c’est un grand défi à relever que de creuser, au début du mandat effectif de Stéphane Lissner, l’enjeu de Moses und Aron, que l’on trouve moins du côté des persécutions religieuses ou des violences de l’intolérance que dans l’impossibilité de diffuser un idéal sans en trahir la force.

C’est le principal mérite de Romeo Castellucci que de l’avoir compris, qui construit tout son spectacle sur la perversion du langage : c’est dans l’obscurité que Moïse a la révélation et c’est en pleine lumière, après avoir consenti à traverser un écran dont on saisit qu’il sépare l’essence des choses et leur image, qu’il se heurte aux interprétations forcément lacunaires d’Aaron. Pendant que celui-ci tente de convaincre le peuple, une nuée de mots, toujours plus nombreux, plus incohérents, plus vides de sens, capturent le regard ; et comme Emma Bovary meurt avec un goût d’encre dans la bouche, c’est en se vautrant dans une eau noire souillant l’immaculé de la foi authentique que le chœur s’adonne à l’orgie – et badigeonne le pelage blanc du taureau Easy Rider, assurément l’une des vedettes de la soirée.


© Bernd Uhlig

Ce spectacle éminemment esthétique, garni d’images puissantes et de symboles frappants, serait-ce perfidie de trouver qu’il y manque une mise en scène ? Disons plutôt : une direction d’acteurs. Et une réflexion sur les personnages à la hauteur des questionnements qui les traversent. S’il est tentant de prendre le parti de Moïse, Aaron est-il pour autant ce parleur superficiel tout juste bon à s’empêtrer dans les subterfuges de sa rhétorique ? La raison n’est-elle pas de son côté, quand il demande à Moïse d’aimer le peuple, dans la dernière scène du II (dernière scène tout court, dans cette œuvre restée inachevée) ? Moïse, quant à lui, avait-il réellement envie de redescendre du Mont Sinaï, où il a vécu « près de ses idées » ? Si surtout, comme l’écrivait le contemporain de Schoenberg qu’était Wittgenstein, « les frontières de mon langage sont les frontières de mon monde », la pureté de la foi ressentie par Moïse n’est-elle pas, elle aussi, soumise au prisme d’un langage intérieur inévitablement imparfait ? Face à ces questions, la simplicité aux confins du manichéisme adoptée par Castellucci nous fait parfois penser avec regrets à ce qu’aurait pu laisser voir ici Patrice Chéreau, initialement prévu pour mettre en scène la première grande production de l’ère Lissner.

L’animation de ce livre d’images aussi superbe que froid demande une équipe habitée. Au milieu de choristes extrêmement impressionnants, et maîtres d’un allemand très intelligible, les seconds rôles, impeccables, font notamment ressortir le prêtre inquiétant de Ralf Lukas et le jeune homme de Nicky Spence. Mais c’est avant tout un duo que l’on attend : si John Graham-Hall peine dans une tessiture toute en tensions, si Thomas Johannes Mayer ne va pas encore au bout de l’éloquence que le Sprechgesang peut permettre à son timbre à la fois clair et percutant, on croit à leur fratrie dépareillée et conflictuelle, irréconciliable mais inséparable.

Face à un orchestre déjà étonnamment rompu à Schoenberg, et qu’on attend avec d’autant plus d’impatience dans les Gurrelieder à la Philharmonie, Philippe Jordan est impeccable, mais presque précautionneux, s’accrochant aux barres de mesures pour tendre sous ses musiciens et ses chanteurs un filet de sécurité aux mailles desquelles s’accrochent, au passage, quelques une des tensions et des émotions qui traversent la partition. Encore un langage que ce soir, il convenait de maîtriser plutôt que d’exprimer…

 

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

2

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes (dernier acte inachevé)

Livret du compositeur

En coproduction avec le Teatro Real de Madrid

Détails

Mise en scène, décors, costumes, lumières
Roméo Castellucci

Chorégraphie
Cindy Van Acker

Collaboration artistique
Silvia Costa

Dramaturgie
Piersandra Di Matteo, Christian Longchamp

Moïse
Thomas Johannes Mayer

Aaron
John Graham-Hall

Une jeune fille
Julie Davies

Un jeune homme
Nicky Spence

Le jeune homme nu
Michael Pflumm

Un homme
Chae Wook Lim

Un autre homme, un Ephraïmite
Christopher Purves

Un prêtre
Ralf Lukas

Quatre jeunes filles nues
Julie Davies, Maren Favela, Valentina Kutzarova, Elena Suvorova

Trois vieux
Shin Jae Kim, Olivier Ayault, Jian-Hong Zao

Choeurs et Orchestre de l’Opéra National de Paris

Chef des choeurs
José Luis Basso

Chef des choeurs adjoint
Alessandro Di Stefano

Direction musicale
Philippe Jordan

Paris, Opéra Bastille, le mardi 20 octobre 2015, 19h30

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

This be her Verse, par Golda Schultz et Jonathan Ware

La parole aux femmes
CDSWAG

Le Bourgeois Gentilhomme

Un gentilhomme en fête
CDSWAG

Debussy La Damoiselle élue

Lignes claires
CDSWAG

Les dernières interviews

Stanislas de Barbeyrac : « Il y aura peut-être un jour Tristan, si je suis sage »

Interview

Questionnaire de Proust – Sophie Koch : « Christian Thielemann compte beaucoup pour moi »

Interview

Sophie Koch : « Aborder Isolde, c’est être devant l’Everest »

Interview

Les derniers dossiers

Questionnaire de Proust

Dossier

Les grands entretiens de Charles Sigel

Dossier

Philippe Boesmans (1936 – 2022)

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Die Frau ohne Schatten – Baden-Baden

Le rêve de l’enfant
Kirill PETRENKO, Elza VAN DEN HEEVER
Spectacle

Test je peux pas publier 2 mais après oui

Spectacle

Test Editeur modifier sans relecture nécessaire

Spectacle

INSTANT LYRIQUE Alexandre Marcellier, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur — Paris (Opéra Comique)

Les servantes écarlates
Marie-Andrée BOUCHARD-LESIEUR, Yoan BRAKHA, Alexandra MARCELLIER
Spectacle