En 2014, aux prix décerné par la rédaction – l’Arabella de platine, qui récompense la personnalité lyrique la plus émérite, et l’Ortrud de cristal, qui pointe du doigt la plus agaçante – s’ajoute l’artiste de l’année désigné par nos lecteurs*.
Arabella de platine : Gregory Kunde
Franchir en trente ans de carrière le fossé qui sépare Cassio d’Otello est remarquable, sans être mémorable. D’autres l’ont fait. De lyrique, devenir ténor dramatique en passant par la case Rossini – contraltino puis baritenore – est déjà moins courant. Mais l’Arabella de platine n’a pas vocation à récompenser un parcours, si exceptionnel soit-il. Avoir en revanche en une même année interprété – et comment ! – les deux Otello, rossinien et verdien, peut suffire à décrocher la timbale. Dans l’histoire de l’art lyrique, quel autre chanteur a réussi pareil exploit ? Ce n’est pas tout. Avoir, toujours durant cette seule année 2014, ajouté à un répertoire déjà vaste trois rôles verdiens majeurs – Manrico, Alvaro et Rodolfo (Luisa Miller). Dans ces partition périlleuses, avoir su, à un âge où d’autres envisagent leur retrait des scènes, concilier l’élégance belcantiste et l’héroïsme romantique, sans concéder une seule note et avec une énergie à chaque fois renouvelé. Voilà quelques-uns des hauts faits qui valent à Grégory Kunde de recevoir des mains de l’équipe de rédaction admirative, la récompense suprême.
Ortrud de cristal : Simone Kermes
Exubérance et art lyrique ne sont pas antinomiques. Au contraire l’opéra aime les personnalités excessives. Il leur doit quelques-unes de ses plus riches heures. A condition de ne pas franchir les limites du bon goût et de ne pas dissiper son tempérament dans des entreprises contraires à sa vocalité. Déjà l’an passé, Simone Kermes nous avait échauffé les oreilles avec un album de bel canto hors de propos et un concert dans une salle Gaveau transformée en arène de cirque. En 2014, la soprano allemande a continué de gaspiller son talent. Sur scène, son interprétation de La Folie dans Platée à l’Opéra Comique s’est avérée d’une sagesse aussi suprenante que frustrante. Au disque, sa Comtesse des Nozze du Figaro a pu faire illusion tant elle détonnait. Mais, une Fiordiligi rincée à l’eau claire d’une voix incapable d’en assumer la tessiture et les interrogations, a fait tomber le masque. Puisse l’Ortrud de cristal ramener notre Nina Hagen de l’art lyrique sur des chemins mieux adaptés à sa personnalité dramatique et vocale.
Artiste lyrique de l’année : Jonas Kaufmann
Depuis mars 2014 et un Winterreise qui déjà interpellait, pas un seul mois sans que Jonas Kaufmann n’ait occupé nos colonnes. Parsifal, Bacchus (Ariane à Naxos) et Don Carlos en DVD, la reprise de La Forza del destino au Bayerische Staatsoper, des Grieux à Londres puis à Munich, des projets, des rumeurs… Autant de raisons d’analyser et souvent de s’extasier sur l’art du ténor allemand. A la rentrée, Du bist die Welt für mich, l’album consacré à la musique légère allemande révélait une autre facette de son talent : Jonas Kaufmann rit, tel Garbo dans Ninochka. Un mythe est né. En l’élisant artiste lyrique de l’année, nos lecteurs l’ont consacré (voir le détail des résultats*).
* Afin d’éviter toute contestation, les votes réalisés de manière frauduleuse (via un système de génération automatique d’adresses IP anonymes) ont entrainé la disqualification des artistes concernés.