Le 8 octobre dernier, le maire d’Athènes, Kostas Bakoyannis, dévoilait une nouvelle statue de Maria Callas dans le parc Roberto Galli, au pied de l’Acropole. Apparemment, l’œuvre ne laisse pas indifférent : Oscar géant d’1m80 ? Version féminine de C-3PO (le robot copain de R2-D2 dans Star Wars) ? Indira Gandhi en hauts talons ? Personnellement, nous penchons davantage pour une sorte de proto-terminator, plus en phase avec la personnalité de l’artiste. Au-delà de l’absence de ressemblance physique, les yeux exercés critiquent la posture choisie, bras comprimés sur la poitrine, étonnante quand il s’agit de représenter une chanteuse lyrique. Fruit de plusieurs années de travail, la statue est une commande de la Maria Callas Greek Society, passée auprès d’Aphrodite Liti, professeur de sculpture à l’Ecole des Beaux-arts d’Athènes et qui en a fait don à la Nation (personnellement, je n’aurais pas non plus payé pour).
En ces temps de Toussaint, une question se pose : honorer les morts peut-il être un prétexte pour s’honorer soi-même ? Les funérailles de la Callas avaient déjà été volées à ses admirateurs. La Divina décède en effet le 16 septembre 1977 dans son appartement parisien. Elle est incinérée au crématorium du Père Lachaise. L’urne est volée par une admiratrice quelques jours plus tard mais finit par être retrouvée. Les cendres sont finalement dispersée dans la mer Egée le 3 juin 1979, au large de l’ile de Skorpios qui avait été achetée par Onassis en 1962 (une bonne idée, vraiment ?). Le ministre grec de la culture de l’époque se charge de la dispersion et prend la pose pour les photographes. Bruna Lupoli, la femme de chambre et fidèle amie de 20 ans du soprano, expliquera que c’était la volonté de la défunte. D’autres affirmeront que la chanteuse s’était simplement émue de la cérémonie de dispersion des cendres de Jean Gabin le 19 novembre 1976, en mer d’Iroise, au large de Brest, et rappelleront que la crémation n’était pas reconnue par l’Eglise orthodoxe (l’institution y est toujours opposée à ce jour). Il est en tout cas peu probable que Callas ait souhaité qu’un ministre grec puisse profiter de son décès pour se faire sa pub deux ans après sa mort.
En attendant, à 5 km de là, de l’autre côté de l’Acropole, on peut voir l’immeuble où habitat Maria Callas : ses six étages sont en ruine. Le Musée Maria Callas au 44 de la rue Mitropoleos semble toujours fermé pour cause de pandémie (nous ne sommes même pas sûrs qu’il ait effectivement été ouvert en 2019 comme prévu). Face au bâtiment, une autre statue de la Divina, guère ressemblante non plus mais peut-être plus fidèle à sa personnalité. Une timide exposition rend hommage à l’artiste (nous l’avons vue à Corfou : elle tient dans une grande pièce). Le business Callas marche bien en revanche, avec ses bons et ses mauvais côtés toutefois : le remastering des enregistrements studios en 2014 fut exceptionnel mais l’édition des enregistrements live, surfant sur le succès des studio n’aura pas bénéficié des mêmes soins (on a depuis longtemps trouvé une nouvelle bande de la La Traviata de Lisbonne de bien meilleure qualité) : la chose est d’autant plus savoureuse que l’éditeur officiel de Callas fut longtemps le premier à lutter contre la publication des enregistrements publics de la diva…. Enfin, certaines raretés ne sont toujours trouvables que sur des circuits parallèles.
2023 sera l’année du centenaire de Maria Callas : espérons, sans trop y croire, que cette occasion ne sera pas un nouveau prétexte à sa récupération médiatique et que l’ensemble de son legs sera enfin disponible sans contraintes : une fois disparus, les artistes appartiennent d’abord à ceux qui les aiment.