Ce périlleux rôle titre de Semiramide, qu’elle interprète en ce début mai 2017 à l’Opéra national de Lorraine, Salome Jicia l’a chanté à l’Auditorium Tchaikovski de Moscou en 2015 avec l’Orchestre national de Russie sous la baguette du regretté Alberto Zedda. Avec une grande modestie et beaucoup de passion, elle nous éclaire sur sa formation musicale dans son pays et ses premiers succès internationaux, ses compositeurs de prédilection et ses rôles favoris.
Quel a été votre parcours entre Zagadidi où vous êtes née et la carrière internationale qui semble s’annoncer ?
Je ne suis pas née dans une famille de musiciens. Ma mère était mélomane ; elle m’a fait commencer le piano très tôt. Après avoir beaucoup travaillé cet instrument avec un professeur particulier, j’ai obtenu un diplôme du conservatoire de Tbilisi où j’ai étudié à fond Mozart, Schuman, Schubert… Mais très vite, bien que la pratique du piano m’ait beaucoup appris, j’ai su que je ne voulais pas devenir une pianiste professionnelle. Chanter au contraire, me semblait naturel… J’ai donc commencé le chant en Géorgie et j’ai été tout de suite été à l’aise. Après avoir beaucoup travaillé, j’ai pu aller à Rome pour étudier avec Renata Scotto. En 2012, j’ai gagné des prix en Turquie et en Arménie, puis, j’ai été finaliste au Francisco Viñas de Barcelone où j’ai remporté le prix Mozart. Ce qui m’a permis de chanter Aspasia dans Mitridate Re di Ponto. Cette même année j’ai eu un premier prix au Lado Ataneli international vocal compétition. Cela m’a ouvert la voie pour débuter dans Rosina de La Finta semplice sur la scène italienne d’AsLiCo’s. Enfin, en 2015, j’ai été acceptée à L’Academia Rossiniana de Pesaro où j’ai chanté Folleville dans Le Voyage à Reims et en 2016, j’ai reçu un premier prix à Varsovie au concours Moniuszko.
Donna Anna, Elena, Semiramide, laquelle préférez-vous ?
Sans hésitation : Semiramide ! C’est un rôle presque fou. Il faut savoir maîtriser son énergie pour arriver au bout. J’ai eu la chance de le travailler à fond avec Alberto Zedda, trois heures par jour pendant plusieurs semaines avant de le chanter en Russie avec lui. Pour Zedda, le plus important dans Rossini, c’est le chant. Il insistait sur la manière de travailler les récitatifs pour qu’ils soient toujours intéressants. Elena est aussi un rôle passionnant. J’adore Don Giovanni, mais en comparaison à ces deux héroïnes rossiniennes, Donna Anna, c’est presque des vacances !
Comment travaillez-vous la manière de chanter dans des langues que vous ne parlez-pas ?
Quelqu’un me prépare une transcription du texte mot à mot. Puis au moment de l’apprendre, je travaille avec un coach pour la prononciation. Ma grande chance est d’avoir eu des maîtres comme Renata Scotto et Alberto Zedda pour m’apprendre à chanter l’italien. C’était fantastique !
Quel souvenir gardez-vous du travail complexe avec le tandem Michieletto – Mariotti dans La Donna del Lago l’été dernier ?
Au début, c’était vraiment dur. Il m’a fallu du temps pour m’habituer à mettre des perruques, à me déshabiller et à ne pas être dérangée par cette vieille femme derrière moi pendant que je chantais ces airs si difficiles. Mariotti nous communiquait une énergie incroyable et la production était tellement originale et belle ; les chanteurs tous talentueux, notamment Juan Diego Flórez et Michael Spyres. C’est vraiment un honneur de faire partie d’une production comme celle-là.
Vos projets immédiats ?
Quand mon agent m’a appelé pour me dire que Covent Garden me proposait de remplacer Anett Fritsch dans Mitridate, pour chanter le rôle travesti de Sifare, j’étais ravie de pouvoir accepter. Ce sont des débuts anticipés car j’ai déjà signé un contrat pour Fiordiligi la saison prochaine. Ensuite, je serai Dorliska dans Torvaldo and Dorliska au Pesaro Rossini Festival en août et reprendrai La Donna del Lago à Liège. Ce que j’attends avec impatience, c’est La Clemenza di Tito pour chanter Vitellia à Lausanne en mars 2018 sous la direction de Christophe Rousset.