Après une Discothèque idéale de la musique classique, parue en septembre 2012, Actes Sud récidive en publiant La Discothèque idéale de l’opéra, toujours en partenariat avec le mensuel Classica, toujours sous la direction de Bertrand Dermoncourt (qui dirige par ailleurs la rédaction de Classica). Le parti pris est identique : pas d’exhaustivité, mais au contraire une sélectivité assumée. Ainsi, en moins de 300 pages, sont présentées pour 250 opéras une version audio et une version vidéo, accompagnées chacune d’un court paragraphe de description. 250 œuvres : c’est un choix, une sélection, mais il permet de couvrir l’essentiel du répertoire ne laissant de côté que les marges.
Ce parti pris cible clairement un certain public : celui des amateurs débutants, désireux de s’y retrouver dans la jungle foisonnante d’une discographie qui ne cesse de s’étoffer au gré des nouveautés (de moins en moins) ou des rééditions (de plus en plus). Le lyricomane compulsif, le spécialiste, ceux dont la discothèque affiche fièrement ses 25 Walkyrie, 18 Otello et 15 Don Giovanni (on en connaît !), ceux-là trouveront peu d’utilité à cet ouvrage qui ne leur apprendra rien qu’ils ne sachent déjà. Mais pour tous les autres, cet ouvrage sera d’un précieux concours. On pense à ceux qui, au cours d’une première soirée à l’opéra, éprouvent ce fameux choc qui leur ouvre des continents inexplorés et leur donne envie de s’y aventurer. On pense, plus prosaïquement, à ce gendre (mari) qui, pour Noël, se voit suggérer d’offrir à sa belle-mère (femme) un enregistrement d’Aïda, œuvre dont elle raffole, et qui, à peu près ignorant, se retrouve confronté à une discographie de plus de 200 références…
Premier point fort à souligner : la présence systématique d’une référence vidéo en plus de la référence audio. Pour une discothèque idéale de l’opéra, art visuel autant que sonore, cela s’imposait. Aussi étonnant que cela puisse paraître, un tel travail semble ne jamais avoir été fait auparavant…
Deuxième atout : le choix des versions retenues, qui s’appuie sur l’expérience et la sagacité des membres de la rédaction de Classica. Sans surprise, on y décèlera peu de fautes de goût (Semiramide par Cheryl Studer, vous êtes sûr ?).
Assez logiquement, les choix privilégient plutôt les versions offrant un confort d’écoute correct : si l’objectif est de tenir la main de ceux qui veulent découvrir l’univers de l’opéra, on comprend qu’il soit préférable d’éviter de leur conseiller les vieilles cires qui craquent, soufflent et sont recouvertes de brouillard. Chaque chose en son temps.
Que l’on se rassure pour autant : la sélection de cette Discothèque idéale sait éviter le piège du « tout nouveau tout beau », consistant à privilégier un peu trop systématiquement les parutions les plus récentes. Certaines références incontournables plus que cinquantenaires y figurent : le Parsifal dirigé par Knappertsbusch pour la réouverture de Bayreuth (1951), la Tosca légendaire de Callas et de Sabata (1953), la Chauve-souris de Karajan (1955), son Ariane à Naxos (1954) et son Chevalier à la rose (1956), mais aussi le Don Giovanni de Giulini (1959), l’Aïda de Solti (1962), etc…
Bien sûr, en ne retenant qu’une version par œuvre, les concepteurs de l’ouvrage doivent assumer une part de subjectivité : elle est inévitable dans un tel exercice. On soulignera que dans la plupart des cas (en particulier pour les œuvres dont la discographie est la plus riche), d’autres versions sont mentionnées à côté de celle qui est commentée, indiquant ainsi au lecteur dans quelle direction il pourra poursuivre sa connaissance de l’œuvre. Ainsi par exemple, pour La Force du Destin, c’est la version enregistrée par Thomas Schippers pour RCA en 1964 qui est mise en avant, tandis que les enregistrements de Tullio Serafin (EMI, 1954) et Riccardo Muti (EMI, 1986) sont cités en complément.
Aide mémoire utile pour certains, précieux viatique pour d’autres : voilà une parution qui, à l’évidence, fait œuvre utile.