Vittorio Grigòlo a de grandes qualités, comme le public parisien a pu récemment le constater en Edgardo de Lucia di Lammermoor. Son timbre respire le soleil et la santé – jusqu’à preuve du contraire car les aigus se tendent -, avec un instrument qui passe aisément l’orchestre dans une salle aussi grande que Bastille ; son engagement scénique, à défaut d’être toujours subtil, peut être salué et le musicien, trop systématique sans doute dans sa manière de phraser et plaquer les piani artificiels, offre de très beaux moments à son public.
Avec ce nouveau disque solo pour Sony, on doit aussi lui reconnaître une forme de sincérité dans sa volonté de rendre un hommage personnel à ses origines musicales romaines. Formé au sein du chœur d’enfant de la chapelle Sixtine, Grigòlo a conçu ce disque comme un coup de chapeau à ses maîtres dont plusieurs compositions sont ici proposées. On relève le nom du Cardinal Domenico Bartolucci, « maître perpétuel » du chœur pontifical de la chapelle Sixtine bien connu des fans de cérémonies vaticanes et celui du Père Catena, responsable du chœur d’enfants jusque dans les années 1980.
Le résultat final est un long enchaînement d’Ave Maria (pas moins de cinq versions !) et de pièces religieuses d’intérêt très relatif, dont l’écoute devient vite pénible. Le problème ne réside pas tant dans la construction du programme, puisque c’est la loi du genre, auquel tous les ténors ont sacrifié, mais dans la réalisation. Elle pêche, et gravement.
Toutes les pièces ou presque (l’Ingemisco verdien est épargné) font l’objet d’arrangements, soit de Richard Whilds, soit de Grigòlo lui-même qui n’a pas hésité à placer quelque texte de sa plume, notamment à la place de Ständchen. Schubert, Niedermayer, Caccini, entre autres, sont ainsi tirés vers le facile, le larmoyant, le dégoulinant, le « pégueux » comme on dit dans le Sud de la France. L’orchestre est modeste et les cordes ressemblent furieusement à la fonction correspondante de quelque orgue électronique. Le chœur d’enfants de la chapelle sixtine chante faux, sans aucune homogénéité. A vrai dire, Grigòlo devait le savoir : cela fait quelques siècles que la qualité de la musique vaticane pendant les célébrations ne soulève pas l’enthousiasme…
Le ténor, lui, est à fond dans sa démarche : on le sent bouleversé, soulevé, ému, secoué par tant de bons sentiments. Bien près du micro, il enfile les notes et les mezze voci les unes après les autres dans une unicité de ton qui lasse très vite mais qui séduira la ménagère italienne de plus de 70 ans, au retour de sa messe dominicale.
Prenons ce disque pour ce qu’il est : s’inscrivant dans la lignée des disques de cross-over religieux, Vittorio Grigòlo s’est fait un petit plaisir personnel. Soit. Avec quelques Confiteor – récités et pas chantés, de grâce -, on le lui pardonnera.
Ave Maria | Giovanni Maria Catena par Vittorio Grigolo