A la sauce universitaire, à la façon de Lorànt Deustch ou éclairé à la lampe-torche comme Stéphane Bern enfonce les portes ouvertes en prime time sur France 2, on nous dira que tous les moyens sont bons pour parler d’Histoire. Admettons – ou pas, mais on n’en débattra pas ici. Philippe Beaussant opte en l’occurrence pour la dernière manière, et soigne sa narration en fonction. Dans le genre, il réussit son coup. Tout en ratant partiellement sa cible…
Christine de Suède ? Pour les cinéphiles, c’est Garbo. Pour les biographes et les romanciers, c’est une héroïne en or. Pour les mélomanes, c’est personne. Et pourtant.
La reine protestante, qui (fait) danse(r) le ballet à Stockholm, abdique à vingt-quatre ans et file au Vatican s’agenouiller devant le pape. Sur le chemin de la conversion, on la reçoit et on la divertit en grande pompe : à Bruxelles, où l’on n’a encore jamais monté d’opéra, on joue Ulysse dans l’île de Circé de Zamponi, à Innsbruck l’Argia de Cesti (œuvre à laquelle il faudrait consacrer cent pages, nous dit Beaussant juste avant de… passer à autre chose), au Palais Barberini La Vita humana de Marazzoli. Bien plus tard, elle se fera donner quelques leçons de violon par Corelli, ouvrira le premier théâtre public à Rome, et tentera de ficeler un livret pour Stradella.
Un sujet en or, on vous dit ! Alors pourquoi diable l’auteur passe-t-il une grande partie de son temps à le contourner ou à l’éviter ? Sûrement parce que, comme il le précise lui-même à plusieurs reprises, de l’amour de Christine pour la musique, on ne sait finalement rien (ou presque). Et rien (ou presque), pour faire un livre, c’est assez peu de choses. Par conséquent, si l’on veut noircir deux-cents pages, il faut beaucoup broder, digresser, meubler. Beaussant le fait certes avec talent et humour, mais le mélomane n’y trouve pas son compte. Pas plus que l’historien, gêné par trop de divagations que rien n’étaye. Alors que des ouvrages en question, il y avait beaucoup mieux – et infiniment plus ! – à dire.
Tout cela paraît en somme bien léger, qui repose sur des recherches que l’on devine assez superficielles. En revanche, l’académicien passe et repasse sur les clichés qui accompagnent le personnage : Christine n’écrit pas, elle scribouille ; Christine n’en fait jamais qu’à sa tête ; Christine invite Descartes en Suède et le laisse geler sur place ; etc. Des secrets d’Histoire ? Vraiment ?