La France boude-t-elle Florent Schmitt ? La question mérite d’être posée, tant la place réservée à ce compositeur pourtant prolifique semble mince. Sont-ce ses opinions politiques peu clairvoyantes qui rebutent les programmateurs, ou est-ce simplement une preuve supplémentaire de l’appauvrissement du répertoire symphonique. Les pages symphoniques de Schmitt ont pourtant beaucoup pour plaire : sujets à l’orientalisme aguicheur, orchestration qui opère une étrange synthèse entre Debussy et Strauss, sens aigu de la couleur harmonique et du timbre instrumental. Ces qualités souvent appréciées en France semblent ignorées du public, alors qu’en leur temps, Stravinsky, Debussy et Ravel ne manquaient pas de manifester leur intérêt pour cette musique. Que sa musique soit défendue au disque par un orchestre américain est d’autant plus remarquable.
Naxos témoigne de l’intérêt de JoAnn Falletta pour le répertoire délaissé. La directrice musicale de l’Orchestre philharmonique de Buffalo enregistre inlassablement Schmitt, mais aussi Hindemith, Dohnanyi, Respighi ou Schreker, pour le bonheur des amateurs de raretés.
Du simple point de vue de la mise en place, cette proposition n’est peut-être pas la plus aboutie. Une honorable section de vents solistes ne rattrape pas les défauts d’intonation des cordes, ni quelques soucis de coordination entre les pupitres. Malgré un beau solo initial, le Chœur féminin de Buffalo n’est pas non plus un ensemble de premier plan. Pourtant, cette lecture de la Tragédie de Salomé ne manque aucunement de passion ni d’inspiration musicale, et le simple fait d’avoir mobilisé de telles forces autour d’un répertoire si méconnu mérite tous les hommages.
On découvre avec plaisir le premier enregistrement mondial de la version orchestrale de Musique sur l’eau. Cette mélodie assez développée pour le genre met en valeur la mezzo Susan Platts, qui brille par un français impeccable, et une fine compréhension de la partition.
Malgré quelques imperfections musicales et une part vocale assez restreinte, on ne saurait trop recommander cette récente parution à nos lecteurs curieux.