La couverture de ce Richard Wagner et sa réception en France, n’illustrant que partiellement le propos, est parfaitement à l’image de son contenu, dense, agitée et un peu confuse, et en tout état de cause compréhensible seulement de ceux là même qui ont déjà une culture wagnérienne affirmée. La lecture de l’ouvrage confirme cette impression, car on ne sait ce que l’on doit le plus admirer, de la masse de documents proposés ou du travail de collationnement, alors que la partie que l’on attendait sur les commentaires aurait dû être plus directement accessible. Peut-être la faute en est-elle à la conception même de l’ouvrage, qui aurait peut-être dû proposer une solide étude, suivie des textes l’illustrant.
Car à travers la langue dense et répétitive d’un auteur très certainement monomaniaque mais d’une confondante érudition sur son sujet favori (Michal Piotr Mrozowicki, professeur de littérature française à l’université de Gdańsk), on a bien du mal, malgré nombre d’anecdotes, à s’accrocher à la démonstration et à ne pas céder à l’ennui. Certainement, un gros travail de nettoyage aurait dû être pratiqué au niveau éditorial. Car au total, la place de cet ouvrage n’est pas clairement annoncée : est-ce une thèse, est-ce un recueil de textes journalistiques, est-ce une étude sur le wagnérisme ? Certainement les trois mêlés, mais certainement pas, à l’arrivée, un ouvrage facile à consulter, ni à lire. D’autant qu’il ne s’y trouve pas la moindre illustration, pas même pour l’intéressante annexe sur Le wagnérisme pictural (par Katarzyna Kotowska).
La masse documentaire de citations d’articles de presse sur une courte période (1883-1893) est telle que, sans viser à l’exhaustivité, elle s’en rapproche. Ces citations sont elles-mêmes très longues, et en plus, accompagnées de beaucoup de digressions, tant thématiques que chronologiques, qui alourdissent indéniablement le contenu, comme par exemple le passage sur les Français vus et jugés par Weber et par Mozart (très « gallophobe »), sans pour autant éclairer réellement le propos sur Wagner. Le choix des dates est bien sûr parfaitement justifié, puisqu’elles correspondent à la montée du wagnérisme non seulement à Paris, mais en France, avec entre autres la bataille de Lohengrin. Car derrière ce succès se cache le long cheminement des pro-wagnériens qui, contre vents et marées, imposent leur idole morte en 1883, dans La Revue wagnérienne bien sûr, mais aussi dans tous les autres supports moins directement concernés. Après des portraits des grands wagnériens, l’ouvrage nous entraîne aux concerts parisiens de cette période où l’on voit que les œuvres de Wagner y sont souvent jouées par des chefs dont les noms résonnent de manière familière (Colonne, Lamoureux, Pasdeloup), mais également en province. Toutefois, le regard de l’auteur reste souvent extérieur et sans concessions dans ses explications.
On note près de 180 pages de bibliographie très complète, avec même les sites Internet et leurs dates de consultation, et trois index (des œuvres de Wagner, des autres œuvres, et des personnes). Ces 1240 pages en deux volumes constituent donc bien un énorme pavé destiné a priori au spécialiste. Alors, le grand public est-il susceptible d’y trouver aussi matière à intérêt ? Ce n’est pas sûr, car non seulement le propos est hyper dense, mais la typographie est petite, ce qui ne facilite pas l’approche. L’accompagnement d’une forme numérique lisible sur ordinateur permettrait de rendre le lecteur à son tour acteur, l’aidant à réaliser de multiples interrogations, des recherches croisées et des regroupements de citations, ce que l’on ne peut bien évidemment pas faire à partir du seul livre papier.
Donc, en conclusion, un ouvrage que tout wagnérophile se doit d’avoir dans sa bibliothèque, que les aficionados un peu tièdes laisseront négligemment sur le coin de leur coffee table pour alimenter une hypothétique discussion, et que les amateurs de Sélection du Reader’s Digest renonceront tout bonnement à ouvrir.