L’intervention généreuse d’un ami de l’auteur nous donne à tenir entre nos mains ces Regards sur Luis Mariano que l’éditeur ne nous avait concédés qu’au format pdf, empêchant une lecture complète de l’ouvrage sauf à s’user les yeux sur l’écran d’ordinateur. Passons.
Le voilà donc ce nouvel ouvrage sur un des ténors les plus populaires du 20e siècle, si populaire que près de cinquante ans après sa disparition, il continue de faire parler de lui. Précisons que le présent volume n’a pas été motivé par la Mariano renaissance dont Roberto Alagna en 2005 fut l’instigateur. L’auteur, Christian Cadoppi, a découvert le chanteur de « Mexico » au lendemain sa mort en 1970. Séduit par le pouvoir de cette voix unique, « admirable, veloutée et puissante », « éclatante et magique », il n’a jamais depuis cessé de l’écouter et de l’admirer jusqu’à vouloir mettre en mots son admiration.
Solidement documentés, ses Regards sur Luis Mariano sont cependant moins amoureux qu’encyclopédiques. Les faits, rien que les faits, nettoyés de toutes suppositions et considérations anecdotiques, sont réunis en quinze chapitres, dont un seul se penche sur la surface de l’homme, sans en explorer les profondeurs faute de l’avoir connu. Les autres balayent le parcours de Luis Mariano, n’omettant aucune étape, de sa naissance, à Irun en 1914 – et non en 1920 comme la falsification de son état civil par sa mère lors de la guerre d’Espagne en 1936 l’a longtemps laissé croire – jusqu’à sa disparition prématurée cinquante-six années plus tard, disparition sur laquelle Christian Cadoppi apporte dans son treizième chapitre un éclairage médical.
L’essentiel du livre est occupé par la présentation sous forme de fiches détaillées des différentes interventions du ténor, dans le domaine de l’opérette, du disque, de la télévision, du cinéma… Selon les circonstances, des hommages à quelques grands noms, dont plusieurs du chant – Tony Poncet, Alain Vanzo, Jane Rhodes… –, s’intercalent entre des titres dont la seule lecture évoque l’insouciance ensoleillée de l’époque : La Belle de Cadix, Visa pour l’amour, Andalousie…
L’opéra, auquel Mariano ne sacrifia qu’à travers l’interprétation d’Ernesto dans Don Pasquale au début de sa carrière et de quelques enregistrements, disparus malheureusement pour l’essentiel, a droit à un chapitre à part entière. La lecture en complète l’avis que nous portions sur la question en 2005, à l’occasion de la sortie de C’est magnifique, l’album de Roberto Alagna. La conclusion de Christian Cadoppi est sans appel : Mariano aurait eu assurément les moyens physiques et vocaux d’envisager une carrière lyrique mais sa popularité n’aurait certainement pas atteint les mêmes sommets, l’opéra ayant à l’époque une audience moins large que l’opérette. Inutiles regrets donc, même s’il est vraiment déplorable que les bandes de douze grands airs d’opéra enregistrées en 1960 aient été égarées lors du déménagement des studios Pathé-Marconi. Dirigés par rien moins que Pierre Dervaux et André Cluytens, ces airs extraits notamment de Tosca, Rigoletto, chantés en français comme l’usage l’imposait à l’époque, auraient donné un aperçu des capacités de Luis Mariano à se mesurer à un répertoire plus exigeant. A défaut, reste le souvenir, toujours vivace, que ces Regards exhaustifs et admiratifs continuent d’entretenir.