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La musique à la radio dans les années 30

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Livre
29 novembre 2010
Radiographie d’une décennie

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La musique à la radio dans les années trente.
La création d’une genre radiophonique
Par Christophe Bennet
L’Harmattan, Juillet 2010,
348p. 32, 50 euros

Docteur ès lettre de l’Université Paris-Sorbonne, Christophe Bennet publie aujourd’hui une version remaniée de sa thèse soutenue en 2007, « […] étude comparée de deux antennes parisiennes [qui] met en évidence les principaux aspects du développement musical que connaît la radio française des années trente« . Pour ce faire, l’auteur a dépouillé les programmes de deux stations, l’une nationalisée en 1933 (Radio Paris/Poste national) et l’autre privée (Radio-LL/ Radio-Cité).

 

Dans son étude, Bennet pointe du doigt les divergences de vue des dirigeants de ces antennes, épluche leurs programmations, évoque le paysage musical des radios qu’il analyse, relaye les critiques de la presse et des auditeurs à leur égard, étudie l’évolution des modes de financement de ces radios, etc. Histoire, musicologie et sociologie sont entre autres convoquées dans cette somme considérable d’informations. De tout cela il ressort que le poste d’Etat se veut un outil d’éducation des masses tandis que la radio privée est principalement axée sur le divertissement. Bien que le chercheur temporise ce constat et remarque que « quelques facteurs introduisent de la complexité dans un canevas apparemment explicite » (p. 320), on s’attendait quand même à ce résultat. Certes, on apprend que les programmes de l’époque pouvaient être très bigarrés (un air d’opéra voisinait avec une chansonnette, Beethoven côtoyait Trenet, etc.), que les retransmissions radiophonique de soirées lyriques étaient pour la plupart assurées par des seconds couteaux et des doublures (!), que la radio était parfois un moyen de financement des scènes d’opéra, que certains artistes passaient d’un genre musical à l’autre, etc. On a toutefois l’impression que les éléments inattendus que l’étude met en lumière ne justifient peut-être pas la lecture de ces 348 pages qu’il aurait été possible de ramasser mieux que cela et qui, pour le reste, confirment « scientifiquement » ce que chacun pressentait…

 

Quoique bien articulée en 4 grandes parties (I. Mosaïques musicales et programmations artisanales à destination de quelques sans-filistes amateurs; II. Puissants postes privés émergeants et réseau d’état centralisé: des politiques artistiques différentes; III Trois constantes musicales de la décennie radiophonique; IV. De l’éducation manquée à l’articulation indirecte), l’étude de Bennet manque tout d’abord de nous brosser un portrait –même bref- du paysage radiophonique français de l’époque envisagée, se contentant de nous renvoyer vers d’autres ouvrages de « référence ». L’auteur oublie certainement qu’il ne s’adresse plus à un jury de thèse mais, a priori, à des lecteurs moins informés. De la somme énorme d’informations tirées des revues dépouillées (un travail que l’on imagine titanesque), il ne nous livre, en guise de première partie, qu’une longue et assommante série de chapitres et sous-chapitres qui nous abreuvent de statistiques auxquelles, comme souvent, on peut faire dire ce que l’on veut –un meilleur usage des notes infrapaginales ou l’adjonction d’annexe(s) nous aurait évité la lecture forcée de ce rapport structurellement bien rythmé mais, à terme, assez ennuyeux.

 

L’auteur explore le répertoire diffusé au cours de la décennie 1930 en répartissant les pièces en plusieurs genres dont, en l’absence de définition(s), on comprend parfois mal les limites. On se retrouve alors avec une catégorie d’œuvres dites « intermédiaires » qui, selon qu’elles se seraient retrouvées du côté « savant » ou du « divertissement », auraient modifiés les résultats des comptes d’apothicaire que l’on subit au fil de trop nombreuses pages. De la même manière, Bennet classe les artistes en admettant qu’un certain nombre d’entre eux n’a pas pu être identifié. Nous nous trouvons dès lors empêtrés dans des statistiques qui, pour être correctes du point de vue algébrique, ne reflètent pas fidèlement la réalité puisqu’elles ne peuvent l’englober dans sa totalité… Le but est certes de dégager des tendances mais, comptabilisés de la sorte, les pourcentages à la décimale sont souvent peu pertinents. D’autre part, le calcul de moyennes n’a pas toujours sa place. Pour prendre l’exemple le moins incongru, il est bien intéressant de savoir que « l’examen des pays d’origine des compositeurs fait ressortir une francité massive. Les 756 compositeurs francophones atteignent presque la moitié du corpus des auteurs cité (47%). Quant aux 3054 citations de leurs œuvres, la majorité est absolue (51%), ce qui donne une moyenne de 4 références par auteur (p.43) ». Toutefois, en passant sur le fait que francité et francophonie sont ici assimilés (?!), il reste que la musique de certains de ces artistes a pu être citée 1 fois et d’autres 7… Une moyenne sans écart type ne brosse qu’un portrait partiel de la situation et on se demande dans bien des cas ce que son calcul peut apporter comme information pertinente. Bien que, pour certains éléments, Bennet précise que la méthodologie employée donne des résultats à interpréter avec les précautions critiques qui s’imposent, on a l’impression qu’il considère l’algèbre comme critère de scientificité de son étude; ce qui n’est pas forcément automatique.

 

La suite du livre est moins discutable et il est difficile de ne pas admirer le patient et fastidieux travail de collecte effectué dans les sources écrites et sonores de l’époque même si, en dehors des magazines radiophoniques, aucun périodique ou journal généraliste ne semble avoir fait l’objet d’une telle attention. On ne sait donc pas si les débats autour de ces programmes ont trouvé un prolongement en dehors des cercles spécialisés (très restreint au vu de ce qu’il fut quelques années plus tard, malgré l’évolution déjà significative du nombre de familles équipées de postes dans la seconde moitié de la décennie). D’autre part, on aurait préféré que le chercheur laisse la calculatrice de côté pour se demander, par exemple, si une personnalité comme Georges Migot (producteur à Radio Cité entre 1937 et 1939) a dû dévier ses convictions esthétiques -qu’ il exprima en 1921 dans Essais pour une esthétique générale– pour se plier aux règles de la programmation radiophonique ou l’inverse. Des œuvres musicales composées directement pour la radio, Bennet ne nous dit rien –peut-être qu’aucune ne fut écrite pour les stations étudiées ici mais n’eut-il pas été musicologiquement plus intéressant d’en dévier un peu pour appréhender le phénomène plutôt que de consacrer des chapitres entiers à la naissance des spots publicitaires radiophoniques? D’autre part, l’auteur aurait pu consacrer une partie de son analyse au rôle de la radio dans la diffusion du jazz en France au cours de la décennie qu’il étudie. Au lieu de cela, nous devons nous contenter de quelques reflets de presse dont le corpus est en ce domaine lacunaire.

 

On passera sur les quelques coquilles que contient le livre pour remarquer enfin qu’il eut été possible d’encarter un disque avec quelques exemples de documents radiophoniques conservés. Il est plus fastidieux de décrire les caractéristiques musicales d’un jingle ou la diction de tel présentateur que de le faire entendre. Certes, tout comme dans sa thèse, il renvoie aux ouvrages auxquels de tels disques sont adjoints ou aux documents conservés à l’Inathèque de France; cependant nous souhaiterions pouvoir lire cet ouvrage hors les murs de la BnF… En tant que thèse de doctorat, ce travail a probablement touché son but. Arrangé sous forme de livre, il n’en va probablement pas de même…

 

Nicolas Derny

 

 

 

 

 

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