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30 janvier 2011
Quia ego nominor Natalie

Note ForumOpera.com

2

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Détails

“Cleopatra”

George Frideric HAENDEL

(1685-1759)

Arias from Giulio Cesare in Egitto

1. Ouverture

2. Tutto puo’ donna vezzosa

3. Taci, che fia ?

4. V’adoro, pupille

5. Esser qui deve in breve

6. Venere bella

7. Che sento ? Oh Dio !

8. Se pietà di me non senti

9. Per dar vita all’ idol mio

10. Sinfonia bellica

11. E pur cosi in un giorno

12. Piangero’ la sorte mia

13. Troppo crudeli siete

14. Voi che mie fide ancelle

15. Forzai l’ingresso

16. Da tempeste il legno infranto

17. Sinfonia

18. Bellissima Cleopatra

19. Caro ! Bella !

Natalie Dessay, soprano

Sonia Prina, contralto (Giulio Cesare)

Stephen Wallace, contre-ténor (Nireno)

Le Concert d’Astrée

Direction musicale, Emmanuelle Haïm

Virgin Classics – 9078722 –enregistré en novembre 2010 – 65’32’’

Quia ego nominor Natalie

La prise de rôle de Natalie Dessay en Cleopatra à l’Opéra de Paris suscite intérêt, rumeurs, et jugements tous azimuts. Impossible d’y échapper. Ici même, la « brève » faisant état des premières impressions suscitées par la performance de la soprano et par la mise en scène conçue pour elle par Monsieur Pelly a battu tous les records de lecture. Il est vrai qu’elle était agrémentée d’une photographie où Natalie Dessay, grimée façon Elizabeth Taylor, dévoilait sous une tunique transparente la forme d’un sein au rouge tétin – en réalité une habile combinaison de théâtre. De toutes ces titillations, le présent disque n’est pas la moindre. Les radios à grande écoute diffusent, ô merveille, les langueurs égyptiennes de notre nationale soprano au beau milieu des clameurs cairotes hostiles à Moubarak. Etrange rencontre. Il aura même fallu que le rocambolesque s’en mêle avec lors des soirées parisiennes un air planté, puis hardiment repris, plus replanté, suivi d’une série d’annulations frustrant le public, avant certainement un retour triomphal pour la représentation filmée par la télévision. Sic transit.

C’est dire que l’audition de ce disque doit faire bien des efforts pour être indifférente tout à fait au battage qui l’entoure, et par surcroît pour ignorer avec la superbe qui convient l’avalanche d’amers reproches dont il fait l’objet. Car de tous côtés cet enregistrement reçoit force tomates bien mûres et lazzis peu amènes.

C’est pourtant là un des très bons disques de Natalie Dessay. L’affect y est constamment juste, et la voix distille d’indéniables beautés. Il serait fastidieux de détailler ces phrases où le timbre se charge d’une luminosité délicate et où le souffle vient épouser avec une délicatesse de touche parfaite la courbe haut tenue de la phrase (par exemple, dans la fin de Se pietà ou dans Piangero’).

Si l’on craignait que la voix de Natalie Dessay ne fût devenue un rien terne ou ligneuse, nous voici rassurés : on retrouve même dans le haut médium une qualité neuve, faite de vibration phosphorescente – pour ne pas dire de squillo gruberovien -, qui convient à ce répertoire.

Et puis, c’est un disque de musicienne. Mieux : de musiciennes. Avec Emmanuel Haïm, l’entente n’est pas seulement d’intentions, mais de phrasé, et même de couleur. Le caractère proprement instrumental de la voix de Dessay se mire avec bonheur dans le miroir tendu par Le Concert d’Astrée. C’est tout le mérite d’un Da tempeste décevant pour les puristes de la vocalise mais particulièrement convaincant si l’on s’attache à la suggestion orchestrale et aux échanges de couleurs entre voix et orchestre. Pour le dire comme Haendel : rejoyce !

Certes, on voit bien ce que les détracteurs de cet enregistrement détractent : un timbre moins riche que celui des semi-mezzos habituées du rôle, une prononciation de l’italien dépourvue de toute saveur méridionale, une technique de vocalisation parfois un peu approximative ou moins virtuose que celle des spécialistes patentées du rôle… Et alors ? De toutes les artistes lyriques, Natalie Dessay est sans doute la plus consciente des limites de répertoire que lui imposent son timbre et sa vocalité. Pour elle, toute prise de rôle allant au-delà de Zerbinette ressemble déjà à une transgression. Faut-il dès lors systématiquement lui envoyer la patrouille avec l’ardeur que mettent les services de police à détecter l’immigré clandestin ? Nous savons bien que ce répertoire n’est pas plus le sien que ne l’est au fond le bel canto bellinien et plus encore le romantisme verdien.

Seulement, Natalie Dessay estime avoir dans l’expression du drame et dans l’incarnation des personnages des atouts dont ne disposent pas les orthodoxes tromblons aux vocalises kilométriques. Peut-on lui en vouloir ? Sa caution ici, c’est la rigueur baroque et l’évidence esthétique qu’Emmanuelle Haïm apporte à Haendel. Le reste est expérimentation natalienne, avec ses hauts et ses bas, les moments où elle rend des points à la concurrence et ceux où elle doit céder face aux comparaisons.

Oui, c’est un très bon disque de Natalie Dessay. Un bon disque Haendel, c’est moins certain. Mais là n’est pas le propos, n’est-ce pas ?

Sylvain Fort

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