Depuis une vingtaine d’années, Viviane Niaux s’ingénie à réhabiliter George Onslow, compositeur français né à Clermont-Ferrand le 27 juillet 1784, décédé dans cette même ville le 3 octobre 1853 et bien oublié depuis. Fondatrice en 1994 de l’Association George Onslow, administratrice du site www.georgeonslow.com, auteure de plusieurs ouvrages dont une biographie1 qui fait référence, elle poursuit sa campagne d’évangélisation avec une nouvelle publication – George Onslow, un « romantique » entre France et Allemagne – que l’on doit aux efforts combinés des Editions Symétries et de la Fondation Palazetto Bru Zane. Il s’agit en fait d’une somme de textes rédigés par une poignée d’exégètes dont Viviane Niaux a coordonné l’assemblage, l’objectif avoué, et atteint, étant de « proposer des contributions inédites dans des domaines qui n’ont pas (ou très peu) été explorés » et « d’apporter une dimension nouvelle à l’étude du compositeur par la multiplicité des regards portés sur l’œuvre ». C’est dire que l’on ne s’adresse pas ici au profane mais au mélomane déjà initié,
Inutile dans ces conditions de compter sur le premier volet de l’ouvrage, consacré pourtant aux aspects biographiques, pour mieux appréhender la vie de George Onslow. La lecture des quatre articles qui composent cette première partie présuppose au contraire un certain degré de connaissance si l’on veut mettre en perspective hier et aujourd’hui : le regard porté sur le compositeur un siècle et demi après sa mort et la façon dont il était considéré par ses contemporains, qu’il s’agisse de Joseph d’Ortigue (son premier biographe dont le style, pittoresque, est un régal), d’Hector Berlioz (toujours un peu rosse), des frères Muller (un quatuor de musiciens allemands dont l’ainé, Georg, rédigea de 1833 à 1834 un journal qui s’apparente plus à une feuille de route qu’à un véritable récit) ou des considérations de la presse allemande avant 1830.
On passera sur le deuxième volet, axé sur la musique instrumentale, pour se concentrer sur le troisième qui étudie l’aspect lyrique de l’œuvre mais, là encore, en partant du principe que le lecteur est suffisamment averti. Avant d’attaquer la centaine de pages sur le sujet, il est bon de savoir que la vocation de George Onslow a été suscitée par un opéra (Stratonice de Mehul) mais qu’il n’a composé que 3 ouvrages pour la scène (dont à ce jour, il n’existe pas d’enregistrement, si on a bien lu la discographie reproduite en fin de volume) : L’Alcade de la Vega (1824), Le Colporteur ou l’Enfant du bûcheron (1827) et Guise ou les États de Blois (1837). Aucun ne fit vraiment recette pour des raisons que laisse entrevoir Viviane Niaux dans son introduction – « la qualité passable des livrets, la médiocrité des chanteurs, l’impossibilité d’être joué à l’Académie royale, les retards incessants, les coupures imposées… » –, raisons auxquelles il faut ajouter des questions d’influence. Reclus la majorité de l’année dans son Auvergne natale, Onslow ne disposait pas des appuis nécessaires (politiques, journalistes, directeurs, librettistes, etc.) pour que les théâtres lyriques parisiens se montrent disposés à lui ouvrir grandes leurs portes.
Une fois ces faits posés, on butinera, au gré de son intérêt, les six textes proposés : l’article sur Stratonice de Patrick Taïeb en tête, qui à défaut d’Oslow, apporte un éclairage utile sur l’œuvre d’un autre compositeur oublié : Méhul (même si la qualité de Stratonice n’est pas une révélation, un enregistrement chez Erato par William Christie nous en avait signalé la valeur dans les années 90). Avec « Le Colporteur à Rouen ou l’autopsie d’un échec en Province », Joann Élart nous en apprend davantage sur le fonctionnement de l’opéra dans les années 1830 que sur le deuxième ouvrage lyrique de George Onslow. Tout juste devine-t-on à travers les lignes quelques caractéristiques de ce qui semble former le style du compositeur (l’influence rossinienne notamment, inévitable en ces années romantiques, à travers la richesse de l’orchestration) tandis que les critiques de l’époque nous mettent la puce à l’oreille : George Onslow était-il vraiment un compositeur dramatique ? En affirmant dans l’article suivant que le meilleur de Guise se trouve dans l’ouverture et la scène – symphonique – de l’ouragan, Alexandre Dratwicki semble répondre à notre question. Ce qui explique peut-être que les trois articles suivants se préoccupent moins d’opéra que d’histoire de l’art (les correspondances relevées par Pierre Sérié entre le peintre – Delaroche – et le musicien – Onslow – autour d’un même sujet : l’assassinat du Duc de Guise), de pratique musicale (la transcription de Guise pour quatuor à cordes) et de Caïn maudit, une énigme musicologique sous forme de cantate scénique que Benoît Dratwicki tente d’élucider.
Autant d’études qui, disposées les unes à côté des autres, aident plus ou moins, en fonction de son degré d’initiation, à recomposer le puzzle. « Il manque à Onslow les deux socles sur lesquels se construit l’édifice de la connaissance d’un compositeur à savoir un catalogue et une édition scientifique » énonce Viviane Niaux avant d’annoncer que le catalogue thématique de l’œuvre d’Onslow, précisément, est en cours de réalisation. A suivre donc.
Christophe Rizoud
1 George Onslow : gentleman compositeur (Presses universitaires Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand)