Nuria Royale
par Frédéric Platzer
Pendant très longtemps, Telemann a fait partie de ces compositeurs célèbres dont la musique était peu ou mal connue. Dans les histoires de la musique, on ne comprenait pas bien pourquoi ce musicien était autant estimé de collègues comme Jean-Sébastien Bach ou Georg Friedrich Händel. On se rappelle que le premier fut choisi comme cantor à Leipzig car notre homme n’était pas disponible mais que Telemann accepta d’être le parrain de Carl Philipp. Cette méconnaissance n’était pourtant pas due au manque de partitions : Telemann a la réputation d’être le compositeur le plus prolixe de toute la musique occidentale. Il a laissé un nombre incroyable d’œuvres de tous genres et de toutes dimensions, aussi bien instrumentales que vocales, sacrées et profanes. Parmi ce dernier domaine, le genre de l’opéra est peu à peu redécouvert, rejoué et parfois enregistré.
La soprano espagnole Nuria Rial nous propose ici de répondre à cette interrogation – pourquoi ? – à travers une sélection de quelques airs tirés de cinq opéras, lesquels airs faisant souvent appel à des combinaisons instrumentales nécessitant de la flûte à bec soliste, instrument très apprécié par le compositeur. Il est difficile de ne pas tomber sous le charme de ces musiques tant elles sont bien écrites (égalant voire dépassant souvent Händel par leur variété) et surtout admirablement interprétées. L’Orchestre de chambre de Bâle augmenté du flûtiste à bec Maurice Steger joue le rôle d’un splendide écrin sonore dans lequel le timbre aérien de Nuria Rial est magnifiquement mis en valeur. Parmi tous ces airs, un magnifique air de sommeil, plus tellement baroque mais pas encore classique, « Komm o Schlaf, und das mein Leid », voit ici son tout premier enregistrement si on en croit le boîtier du CD. Plus loin, une pastorale avec deux flûtes à bec et des cordes nous plonge dans une ambiance des plus paisibles avant qu’un autre air nous fasse entendre une flûte à bec virtuose en accompagnement ou contrepoint de la voix dans un passage beaucoup plus énergique. Vers la fin de l’album, un air avec une partie obligée de violon, accompagné au luth, nous plonge cette fois dans une ambiance douloureuse. Les deux concertos pour violon joués par Julia Schröder ne sont pas de simples compléments de programme : ils ont servis d’ouverture à des opéras dont nous sont également proposés quelques airs.
Nuria Rial est avec Telemann ici chez elle : articulation, intonation et intelligence et du texte et de la musique semblent évidents et on ne peut qu’attendre fébrilement d’autres enregistrements d’opéras de ce même compositeur par cette même interprète.
Pour finir, si ce CD est excellent, fuyez absolument la pochette et ses notes mal fichues voire incorrectes (tous les musiciens entendus ne sont même pas cités).
Airs d’opéra
Georg Philipp Telemann
Nuria Rial
Telemann | Georg Philipp Telemann par Nuria Rial
Komm o Schlaf, und das mein Leid de Germanicus
Das Auge starrt, die Lippen behen de Emma und Eginhard
Erscheine bald du Irrlicht meiner Sinne de Emma und Eginhard
Concerto pour violon en la mineur (ouverture de Emma und Eginhard)
Steckt Mars den Degen ein de Emma und Eginhard
Mir schmeichelt die Hoffnung de Der geduldige Sokrates
Concerto pour violon en do majeur (ouverture de Der geduldige Sokrates)
Mich tröstet die Hoffnung de Der geduldige Sokrates
Ach shet mich doch, geliebte Augen de Der neumodische Liebhaber Damon
Ach was für Qual und Schmerz de Der unglückliche Alcmeon
Meine Tränen werden Wellen de de Der geduldige Sokrates
Nuria Rial, soprano
Julia Schröder, violon
Maurice Steger : flûte à bec
Kammerorchester Basel
Enregistré en octobre 2010 et janvier 2011
1 CD deutsche harmonia mundi 88697922562