A l’automne 2017, à l’occasion du quarantième anniversaire de la mort de Maria Callas, Tom Volf créait l’événement en proposant à la Seine Musicale une exposition consacrée à la diva où étaient réunis une partie des documents sonores et visuels – dont certains inédits – qu’il avait patiemment collectés durant des années. Parallèlement, sortait sur les écrans puis en DVD le film Maria by Callas qu’il avait réalisé à partir de ces précieux documents. Aujourd’hui paraît un coffret luxueux qui comporte le DVD et le Blu-Ray du film augmenté de documents inédits ainsi que deux CD de la bande originale.
Tout a commencé en 2013 lorsque Volf, alors étudiant à New-York, assiste presque par hasard à une représentation de Maria Stuarda au Met. Ebloui par le spectacle, il se rue sur son ordinateur afin d’en apprendre davantage sur cet univers qu’il venait de découvrir, il tombe alors sur une vidéo de Callas qui le bouleverse et c’est le coup de foudre. Déçu par tout ce qui avait pu être dit ou écrit sur la Diva, l’idée lui vient de réaliser une sorte de documentaire autobiographique dans lequel il laisserait la parole à la cantatrice et à elle seule. Le fil conducteur sera la longue interview que la soprano avait accordée au journaliste David Frost en 1970, dans laquelle elle fait le point sur sa vie et sa carrière et se livre comme jamais auparavant. Les extraits de cette interview ponctuent le film qui se présente comme un patchwork d’images provenant d’émissions de télévisions de divers pays, d’articles de journaux, de photos ou de films en super 8 que les quelques intimes de la chanteuse retrouvés par Volf lui ont confiés. Parmi eux, le majordome de Callas et sa femme de chambre, aujourd’hui décédée, à qui le film est dédié. Pour accompagner les vidéos muettes ou les photos, des extraits de lettres ou d’écrits de Callas sont lus par Fanny Ardant qui avait incarné la diva au théâtre et au cinéma. Durant près de deux heures le film nous présente dans un ordre chronologique les faits marquants qui ont jalonné la vie personnelle et la carrière de la Divine. Les extraits musicaux sont issus de ses plus grands rôles, Norma, Traviata, Tosca, La Somnambule ainsi que Les Vêpres siciliennes, Macbeth, Andrea Chénier et Carmen. Chaque air est proposé dans son intégralité selon le vœu de Volf. L’ensemble se regarde avec intérêt et suscite souvent l’émotion comme ces extraits de l’unique Butterfly à la scène de la cantatrice ou ces fragments de lettres dans lesquelles elle évoque le lynchage médiatique dont elle a fait l’objet à Rome en 58 ou le mariage d’Onasis qu’elle a appris par les journaux. Le jeune amateur d’opéra y découvrira une personnalité attachante et une artiste hors du commun, l’admirateur de la Diva n’y apprendra pas grand-chose qu’il ne sait déjà mais se satisfera de posséder sur un seul support des images éparpillées dans divers livres ou vidéos consacrés à la soprano à côté d’autres, certes peu nombreuses, mais totalement inédites. De plus il s’émerveillera devant certains documents restaurés et présentés dans leurs couleurs d’origine* comme ce somptueux « Casta Diva » filmé à Garnier en 1958 où la diva est resplendissante, ou sourira en la voyant se faire bousculer par un éléphanteau au Gala de l’Union des Artistes en 1971.
Le Blu-Ray attirera davantage l’attention de l’acheteur. En effet, il comporte le film tel qu’on le connaît avec une meilleure qualité d’image ainsi que sa version anglaise avec la voix de Joyce DiDonato (hélas non sous-titrée), un entretien digne d’intérêt avec le réalisateur dont l’enthousiasme est communicatif et des images de Callas coupées au montage et présentées comme inédites qui nous laissent un tant soit peu sur notre faim, d’abord parce que certaines sont déjà connues comme ces extraits du concert de 58 dont la seule nouveauté est qu’ils sont colorisés, et que les autres, souvent muettes, sont floues ou tronquées ; mais le fan inconditionnel, n’en doutons pas, en fera son miel.
Enfin, le coffret comporte également un livret de 36 pages avec une interview accordée au Sunday Times en 1961 illustrée par des photos en partie inédites.
On regrettera l’absence d’informations concernant certains documents : par exemple qui sont les partenaires de Callas dans les extraits de la Norma de Trieste en 53 ou de Rome en 58 ? Quels sont les personnalités qui accompagnent Callas sur certaine images ? Bien sûr on reconnaît Visconti, la Princesse Grace, Pasolini, Elisabeth Taylor ou Omar Sharif, mais les autres ? Des visages plus ou moins connus, sur lesquels on voudrait bien mettre un nom. Et cette photo où la soprano apparaît en reine d’Egypte, sans doute au cours d’un bal costumé, où a-t-elle été prise et quand ?
En dépit de ces quelques imperfections, ce beau coffret trouvera sa place sous le sapin où il ravira le fan inconditionnel avide de tout posséder concernant sa diva préférée mais aussi l’amateur éclairé soucieux de découvrir le mythe Callas sous un éclairage nouveau.
*Dans son interview, Tom Volf précise que seuls ont été colorisés les documents dont on connaît les couleurs d’origine grâce à des photos d’époque.