L’opéra de Charles Garnier constitue pour beaucoup l’un des plus beaux théâtre du monde. On pourra lui préférer des salles plus intimes, mais dans le genre monumental, l’ensemble constitue une référence absolue. Encore ce côté spectaculaire apparent est-il adouci par une richesse de détails qui font de chaque recoin du Palais Garnier un véritable régal visuel, voire intellectuel. L’ouvrage de Gérard Fontaine a le mérite de nous guider avec une grande précision à travers les dédales du théâtre, pointant chaque différence de marbre, de qualité de dorures. Il nous permet d’identifier la statuaire, notamment les nombreux bustes d’artistes (l’Opéra de Paris n’ayant pas jugé nécessaire de remettre en place les nombreuses plaques d’identification manquantes). Guide en main, il est ainsi possible de mieux apprécier les différentes peintures, en particulier les décors du grand foyer, dus à Paul Baudry. Parfois, cela relève du jeu de piste quand il faut repérer Charles Garnier sur l’une des « clés des deux arcs-doubleaux est et ouest du grand foyer » ou sur la « voussure est ». L’iconographie est abondante, en ce qui concerne l’intérieur du bâtiment en tout cas, mais les photos semblent avoir été jetées au petit bonheur sur la page. Certains clichés ne nous ont pas paru d’une netteté absolue mais nous ne disposions que d’une version électronique de l’ouvrage. Les textes en regard sont essentiellement descriptifs. Par exemple, l’auteur signale la présence de deux salamandres au sommet de la coupole du Salon du Soleil, mais il omet d’en donner la signification. Or il s’agit là d’un clin d’oeil à une antique superstition : selon Aristote « cet animal éteint le feu quand il y entre », et l’on sait que l’incendie aura été de tous temps le risque majeur de destruction des théâtres. Les différents procédés de construction sont également évoqués en long et en large, sans doute un peu longuement pour un ouvrage qui n’est a priori pas destiné aux architectes et ingénieurs. L’auteur évite en revanche d’évoquer la lamentable affaire de la destruction des loges, dont on ne voit d’ailleurs pas de d’illustrations précises (nous nous sommes d’ailleurs demandés si les photos de la salle étaient toutes récentes ou prises à des époques différentes). Les photos des extérieurs sont les parents pauvres de l’iconographie : la façade arrière est pourtant impressionnante, sans compter les toits, par exemple. On ne trouve aucune photo de la bibliothèque (autrefois accessible aux entractes) mais seulement d’une salle de lecture annexe récente. Les espaces non publics sont totalement passés sous silence : ceux qui ont eu la chance de parcourir les coulisses connaissent la beauté mystérieuse (et souvent délabrée) de ces longs couloirs et de ces loges d’artistes, des salles de répétitions du ballet construites dans les coupoles… Rien du fascinant « grill » qui surplombe la scène et où l’on entend faiblement mais nettement les chanteurs. Aucune iconographie sur le mystérieux « lac souterrain » que l’auteur qualifie de « très peu spectaculaire » sans l’avoir véritablement vu.
On découvre vite que l’ouvrage n’est qu’une simple resucée des précédentes publications de l’auteur. L’éditeur n’a pas jugé utile de faire prendre de nouveaux clichés pour présenter le restaurant construit en 2012 dans la Rotonde des Abonnés, la nouvelle boutique à la place de l’ancienne billetterie, l’ascenseur de Napoléon III restauré il y a quelques années, la nouvelle billetterie construite à l’emplacement de l’ancien commissariat de police, la loge du Fantôme de l’Opéra (qui a désormais droit à une plaque commémorative !), etc. Pour les 350 ans de l’Opéra de Paris, on attendait de la part des Editions du Patrimoine le livre définitif que mérite le Palais Garnier, pas la simple mise à jour d’un guide touristique à destination du grand public.