Le nom de Titelouze est associé à l’orgue français dont il constitue le premier fleuron. « Voix humaine » ? Par-delà le jeu, alors au grand clavier (qui passera ensuite au récit), on savait que le compositeur avait publié « trois messes à 4 et à 6 voix, dont une éditée chez Ballard en 1626 ». Celles-ci ayant été découvertes par Laurent Guillo, ainsi qu’une quatrième, jusqu’ici inconnue, Thomas Van Essen et son ensemble Les Meslanges avaient entrepris leur enregistrement. Le premier volume Première mondiale après exhumation, permettait de mesurer l’importance de la découverte, maillon essentiel du passage au premier baroque. Outre leur écriture, originale à plus d’un titre, elles constituent une rareté. Titelouze est le seul organiste de son temps ayant signé des messes polyphoniques, et ces dernières sont les seules productions polyphoniques connues de la capitale normande au XVIIe S. Les mêmes interprètes nous livrent maintenant le second CD, qui achève le cycle. Les principes éditoriaux et de réalisation qui ont fait le succès du premier volet sont maintenus, conférant une grande cohérence à cette somme.
L’écriture est le plus souvent verticale, aux imitations limitées, servant naturellement le texte et sa compréhension. Comme il était d’un usage fréquent, les parties vocales sont doublées par les cornets, les sacqueboutes et le serpent pour la messe Simplici Corde comme pour les versets intercalés du Magnificat du cinquième ton, et par un quatuor de violes pour la Missa Quatuor Vocum Votiva. Le Magnificat fait alterner la polyphonie de Bournonville, principe adopté dans le premier CD. Enfin, l’Annue Christe (des Hymnes de l’Eglise pour toucher sur l’orgue, 1623) insère deux hymnes de plain-chant, en étroite relation (Salva Redemptor et Sit tibi Jesu). La variété des climats trouve ainsi une illustration aussi séduisante que pertinente.
L’enregistrement n’appelle que des éloges. Les voix – un chanteur par partie – sont idéalement accordées, tout comme les instruments qui en assurent la doublure : l’harmonie, les équilibres et la dynamique sont au rendez-vous. Cornets, sacqueboutes et serpent, d’une part, ensemble de violes par ailleurs colorent les messes et le Magnificat et leur confèrent une profondeur inattendue. La conduite des lignes, l’intelligibilité du texte relèvent d’une incontestable maîtrise. Thomas Van Essen, orfèvre en la matière, signe non seulement une contribution majeure à la connaissance de ce répertoire mais aussi une réalisation musicale exemplaire.
On doit à Thomas Leconte, du CMBV, la passionnante introduction, qui nous plonge dans l’histoire de la maîtrise de la cathédrale de Rouen, où Titelouze tint l’orgue de 1588 à 1633, pour s’intéresser au compositeur, à son œuvre pour orgue et à ses messes. La brochure d’accompagnement décrit ensuite la composition de l’instrument de Notre-Dame de Champcueil, puis la registration des pièces enregistrées par François Ménissier.