Une nouvelle édition du dictionnaire des interprètes – la sixième depuis 1982 – enrichit la collection « Bouquins ». Ne pas se fier au titre de cet ouvrage, le seul à notre connaissance à compiler en français dans un même volume les plus grands noms de la musique classique depuis 1900. Par « interprète », il faut non seulement comprendre les instrumentistes, les chanteurs, les chefs mais aussi les orchestres, les chœurs, les compagnies d’opéra ou les ensembles de musique de chambre, classés par ordre alphabétique de pays et de ville. Pour les premiers, une biographie succincte ; pour les seconds, l’année de fondation, un bref historique, les créations les plus fameuses, le nom des directeurs, etc.
Des index en fin de volume aident à retrouver rapidement l’aiguille cherchée dans cette généreuse botte de foin. Les chanteurs y sont regroupés selon leur tessiture, avec toutes les discussions que peut susciter un classement qui n’a rien d’une science exacte. José van Dam, baryton ou baryton-basse ? La première réponse est la bonne si l’on en croit les auteurs quand la deuxième nous aurait paru plus adaptée. Placido Domingo, ténor ou baryton ? Les deux, mon capitaine. James Bowman et Alfred Deller, hautes-contre ? Vous êtes sûrs ?
Autre sujet inévitable de discussion qu’il convient pourtant d’éviter dès que l’on prend en considération ce genre d’ouvrages : la présence ou l’absence de tel ou tel artiste. L’exhaustivité est mission impossible, même si, dans le cas présent, il manque peu de grands noms à l’appel (Gregory Kunde, vous n’aviez vraiment pas la place ?).
Dans sa préface, Alain Pâris, qui a dirigé la réalisation de l’ouvrage, interroge le rôle qu’a joué au fil du temps l’interprète, « devenu une figure sociale de la musique qui était mal définie avant le XXe siècle ». C’est peut-être moins vrai pour le chant qui, dès la naissance du genre lyrique, a compté en ses rangs des personnalités ne se contentant pas d’être « l’obscur serviteur du compositeur ». Mais, passons. La réflexion porte davantage sur l’influence qu’ont désormais les artistes dans la promotion, voire la découverte, des œuvres du répertoire. Sans Roberto Alagna, aurait-on envisagé Le Cid au Palais Garnier ? La renaissance de l’opéra baroque ou des chefs d’œuvre napolitains de Rossini serait-elle envisageable sans des chanteurs capables aujourd’hui de rendre justice à des partitions dont on avait oublié jusqu’à il y a peu les codes d’interprétation. Partant de ce constat, n’aurait-il pas fallu inclure dans un tel dictionnaire les metteurs en scène, aujourd’hui aussi indispensable au monde de l’opéra que les chefs d’orchestre ?
Dans une prochaine édition peut-être car, n’en doutons pas, l’entreprise ne saurait s’arrêter à cette sixième itération. L’interprète « occupe une place limitée dans les ouvrages généraux, encyclopédies, dictionnaires ou histoires de la musique », constate à raison Alain Pâris. Ce nouveau dictionnaire des interprètes continue de réparer un inacceptable oubli.