A l’heure où Monteverdi est devenu un pilier essentiel du répertoire d’opéra, il y a de bonnes raisons d’espérer que Cavalli pourrait un prochain jour le rejoindre. Depuis les exhumations historiques des années 1960 jusqu’au récent Xerse donné à Lille, il devrait être clair que Francesco n’a rien à envier à Claudio, et que ses œuvres méritent une place au soleil. Il se murmure d’ailleurs que l’Opéra de Paris lui ouvrira ses portes, sinon la saison prochaine, du moins la suivante…
Après s’être penchée sur Monteverdi en 2008 avec la complicité de Philippe Jaroussky, Christina Pluhar aborde tout naturellement Cavalli et s’est amusée à composer une sorte d’opéra imaginaire en réunissant quelques-unes des plus belles pages du Vénitien. Dès les premiers instants, on est plongé dans ce qu’on pourrait appeler le « son Pluhar », à la fois svelte et chaleureux, avec ces notes de psaltérion qui viennent émailler chaque mélodie de leur sonorité aigrelette. Aux sinfonie qui ouvrent respectivement Il Giasone et L’Eliogabalo s’ajoutent deux morceaux dus à des contemporains de Cavalli, tout le reste du disque est consacré au chant. Avec cinq airs, La Calisto se taille la part du lion.
Deux chanteuses se partagent ces morceaux. Succédant à sa compatriote Maria Bayo, qui s’était illustrée dans le rôle lors des mémorables représentations bruxelloises en 1993, Nuria Rial est Calisto pour quatre des airs ou monologues de la nymphe. Si la voix limpide de la soprano espagnole convient à l’innocence de ce personnage, elle paraît hélas bien trop légère dès lors que lui sont confiés les interventions de Cassandre ou d’Hécube dans La Didone, que l’on a pris l’habitude d’entendre interpréter par des voix plus graves, plus charnues, en un mot plus dramatiques. La musique de Cavalli, si belle qu’elle soit, ne saurait se réduire au pur hédonisme sonore ; il y faut aussi du théâtre, et sur ce plan-là, le compte n’y est pas vraiment.
Dommage, tant qu’à répartir les airs entre deux artistes, que la voix de Hana Blažíková ne se distingue guère de celle de Nuria Rial. Elle déclame fort bien les stances d’Harmonie au début de L’Ormindo, mais son Satirino de La Calisto manque cruellement de perversité. Ces reines qui appellent la mort le font de manière fort détachée et, sans basculer dans le vérisme outrancier, on aurait pu espérer un peu plus de tripes.
A côté de ce Cavalli un peu trop propre sur lui, un DVD de près de deux heures réunit une vingtaine de petits films réalisés à l’occasion d’enregistrements antérieurs, et commémore les quinze ans de l’ensemble L’Arpeggiata. L’on y trouve justement toute cette sève jaillissante, toute cette énergie qui fait défaut aux chanteuses du disque, notamment grâce au travail accompli par Christina Pluhar et son équipe autour des musiques traditionnelles.