Le riche ouvrage où est inséré le CD, réalisé avec autant de soin que de goût, n’est pas seulement un très bel objet : chaque contribution éclaire l’écoute d’un éclairage particulier. Jean Tubéry explicite le programme et sa démarche (« Rosa Mystica ou la romance de la Rose ») à la lumière de l’histoire, passionnante, liée à la victoire de Lépante. Une approche théologique de la prière du Rosaire et de ses mystères nous est proposée par le Frère Benoît Jourdain. L’orgue italien de Pranzac (Charente) et sa composition (empruntée à Antegnati) y est présenté par son interprète. L’iconographie séduit tout autant. Pour son nouveau label, Labellafenice, Jean Tubéry et ses complices auront investi tout leur savoir-faire, leur énergie et leur goût.
Original, le programme s’articule autour de cinq mystères (Résurrection, Ascension, Pentecôte, Assomption, Couronnement de la Vierge), encadrés par un Introït et des pièces mariales empruntées au plain-chant et à des compositeurs italiens de la première moitié du XVIIe siècle. Leur organisation nous vaut une écoute continue et cohérente, variée à souhait. Disons-le : le plaisir est au rendez-vous, immédiat et permanent, sans jamais la moindre réserve. En dehors de Frescobaldi, ce n’est pas leur faire injure que de qualifier de petits maîtres les nombreux compositeurs auxquels le programme emprunte. Tous sont familiers du maître d’œuvre, qui les a déjà illustrés au fil de ses concerts et enregistrements.
Ainsi s’enchaînent avec souplesse et harmonie l’appel du campanile, des antiennes de plain chant, des pièces vocales et des œuvres instrumentales, sans omettre les pages confiées au positif et au clavecin. D’emblée nous sommes plongés dans cette Italie ensoleillée, chaleureuse où l’intérieur d’une église permet de trouver une fraîcheur souriante, jubilatoire, à laquelle participent tous les interprètes. La voix de Kristen Witmer est un cadeau du ciel : la lumière comme la rondeur de l’émission, l’agilité des vocalises, la conduite des lignes, la longueur de voix, tout est là, dès la première note et le bonheur sera constant. Née et formée au Japon, elle a poursuivi ses études au Conservatoire royal de La Haye, où elle s’est approprié les canons de la musique ancienne. Ainsi, a-t-elle été sollicitée par les grands noms du baroque, de Frans Brüggen, Philippe Herreweghe, Maasaki Suzuki, Joshua Rifkin et autres, jusqu’à ce que Jean Tubéry, après Lionel Meunier, l’invite à participer à cet enregistrement. Les pièces dialoguées entre notre soprano et les vents, avec le continuo, sont un régal. La virtuosité de chacun est au service exclusif des œuvres, dont les couleurs renouvelées sont aussi séduisantes.
La perfection de la réalisation est telle que l’on ne peut résister à l’envie de saluer chacun des instrumentistes : Jean Tubéry, bien sûr, à qui l’on doit déjà tant, principal artisan de cette réussite, qui s’est adjoint Sarah Dubus pour les cornets, flautino et flûtes, Sue-Ying Koan et Anaëlle Blanc-Verdin aux violons baroques, Jean-Baptiste Valfré (violoncelle baroque), Ulrik-Gaston Larsen (théorbe et archiluth), Mathieu Valfré (positif et clavecin) , sans oublier de mentionner Fanny Châtelain et … Jean Tubéry pour le plain-chant.
Bilingue, français et anglais, le volume de soixante quatre pages comporte les textes latins et leur traduction. Gaudeamus igitur !