Couplage intéressant, ambitieux projet car la discographie est pléthorique, tant pour la symphonie « roulement de timbales » que pour la Theresienmesse. Encore que pour cette dernière, qui compte plus d’une douzaine de gravures commerciales, peu ont été réalisées depuis que Gardiner s’en est emparé (2002). Aurait-il découragé tous les candidats ? Il était temps qu’arrivent d’autres versions. Le nom d’Harry Christopher est lié aux Sixteen, ensemble spécialisé justement renommé dans la polyphonie renaissante et baroque, qu’il créa en 1979. Rapidement, son répertoire s’étendit à la musique chorale des deux derniers siècles. Dès 2000, il abordait La Création, quelques symphonies de Haydn et, enfin la Nelsonmesse pour s’emparer maintenant de la Theresienmesse. Cette relecture, « historiquement informée, sur instruments d’époque » était prometteuse. Pour ce faire, le chef mobilise le chœur et l’orchestre de la vénérable Handel & Haydn Society, de Boston, créée en 1815, qu’il dirige régulièrement depuis 2018.
La pénultième symphonie de Haydn, célèbre entre toutes, commence par une longue phrase dynamique (*) où le timbalier use ici de ses deux instruments. Haydn a noté simplement un roulement (mi bémol, tonalité de l’ouvrage), surmonté d’un point d’orgue. On s’interroge sur le bien-fondé de la démarche dont Harnoncourt semble avoir imposé l’usage, imité par Minkowski. L’effet dramatique, sombre, interrogateur de l’unisson des basses n’en est pas renforcé. De la même manière, le retour de l’adagio introductif est associé à cet ajout virtuose. Surprenant. L’allegro con spirito, comme le menuet sont dépourvus de tout sourire. Sans jamais démériter, la version qui nous est proposée supporte difficilement la comparaison avec les nombreuses références. La lecture est assez convenue, dépourvue d’esprit, formelle.
Ecrite entre les deux grands oratorios, la Theresienmesse ne prit ce titre qu’à la suite de son exécution à Vienne, en présence de Marie-Thérèse d’Autriche : elle avait été donnée à Eisenstadt le 8 septembre 1799 pour la fête de Marie Hermenegild, épouse de Nicolas II Esterhazy, l’employeur de Haydn. Des six « grandes » messes conçues entre 1796 et 1802, elle est celle qui offre aux solistes la pus large part. Encore qu’elle soit dépourvue d’arias au profit de brefs soli introductifs du quatuor vocal. Ainsi le Gratias, lyrique à souhait, pour le poignant Et incarnatus comme pour le Dona nobis pacem, où les solistes vont introduire le chœur. Ces derniers, Mary Bevan (soprano), Catherine Wyn-Rogers (mezzo-soprano), Jeremy Budd (ténor) et Sumner Thompson (baryton), ne déméritent jamais, et leurs voix s’accordent remarquablement. Le chœur prend de belles couleurs dès le Kyrie, mais le fugato de l’allegro, quelque peu scolaire, déçoit. Par contre, l’éclatant Gloria, énergique, jubilatoire est chanté avec une vigueur peu commune. Il en va de même du Quoniam où soli et chœur se répondent. L’affirmation du Credo est bien servie, contrastée. Et resurrexit, est animé, suivi du Judicare, dramatique, inquiet, renforcé par trompettes et timbales. La fugue sur Et vitam venturi est ardente et assurée. Le court Sanctus, entamé recueilli, contraste avec l’énergique Pleni sunt. Lyrisme et simplicité président au Benedictus. Pour conclure, l’Agnus, puissant, avec ses oppositions (Miserere), s’achève dans la confiance du Dona nobis pacem, qu’ouvrent les solistes avec entrée progressive du chœur, triomphal. L’orchestre sonne bien, avec ses clarinettes, trompettes et timbales, sans toutefois trouver toujours l’aisance des formations viennoises. Même si on est parfois loin de la ferveur et de la lumière d’autres chefs de chœur, la version offerte mérite attention, souple et puissante. Relire Haydn à la lumière de Bach et de Haendel n’est pas chose aisée.
(*) indiqué ff, suivi d’un decrescendo, le roulement initial a suscité bien des controverses, car les réductions contemporaines de sa création se contredisaient quant aux nuances… De là à y substituer une démonstration virtuose (particulièrement chez Minkowski), il y a loin.