Créé le 27 janvier 1733 à Londres, Orlando n’était jusqu’à présent pas proposé en DVD. C’est désormais chose faite avec la captation réalisée par Arthaus en 2007 à l’Opéra de Zürich, et qui s’avère être une réussite. Mettre en scène un opéra qui traite du conflit entre raison et passion n’est pourtant pas si facile.
L’histoire est transposée par Jens-Daniel Herzog dans un hôpital des années 1920, ce qui est source de quelques invraisemblances : le livret ne cesse d’évoquer prairies, champs et bois remplis de « chèvres et de cerfs » quand le spectateur ne voit que des pièces à l’atmosphère confinée et fermées par de nombreuses portes symbolisant les « dédales de l’âme ». La mise en scène reste néanmoins cohérente : la bergère Dorinda est crédible en infirmière tout comme le mage Zoroastro en professeur de médecine chargé de guérir, au sens médical du terme, Orlando, victime du dieu Amour. Le plateau se présente donc comme un lieu d’observation et de rééducation des âmes égarées par la passion.
L’intrigue d’Orlando est assez ténue sur le plan dramatique : on assiste aux démêlés amoureux d’un couple, la reine Angelica et le prince Medoro, respectivement aimés par Orlando et Dorinda. Les chanteurs, c’est le cas ici, se doivent d’apporter dynamique et talents tant vocaux que scéniques. De la distribution ressort la voix agile et légère de la soprano américaine Christina Clark en Dorinda, qui oscille entre l’amoureuse transie et la soubrette un peu familière à la manière d’une Despina. Zarastro quant à lui, une basse traitée de façon assez inhabituelle chez Haendel, est admirablement chanté par un Konstantin Wollf à la voix profonde et joliment timbrée. Le rôle titre, destiné à l’origine au castrat favori de Heandel, Senesino, est aujourd’hui difficile à attribuer de par sa tessiture : la contralto Marijana Mijanovic, au regard halluciné tout à fait convaincant notamment dans la scène de folie à la fin du deuxième acte, se montre à la fois sombre et envoûtante, magnifique même si le passage d’un registre à un autre n’est pas toujours très limpide. Martina Jankovà, aux aigus parfois un peu durs, campe une Angelica victime de l’amour et de la folie d’Orlando. Enfin, le Medoro satisfaisant de l’alto Katharina Peetz, correspond à l’analyse qu’en fait Piotr Kaminski : c’est « un homme fort sympathique, suave et passif, une balle entre les raquettes d’Angelica, Orlando et Zoroastro ».
Quant à la direction musicale, William Christie qui, on le sait, a déjà proposé plusieurs versions d’Orlando, se trouve en terrain connu. L’orchestre, très bien maîtrisé, est en parfaite adéquation avec la scène.
Belle réussite qui fait que l’on ressort de cette expérience non pas guéris de l’amour, mais plus amoureux que jamais de la musique du « Caro Sassone ».
Anne Le Nabour