Arrivé depuis 2018 à la tête des Symphoniker Hamburg, Sylvain Cambreling signe son premier enregistrement avec la phalange hambourgeoise dans d’étranges circonstances. Alors qu’outre-Rhin, les théâtres viennent de fermer pour un moment, il propose un programme manifestement optimiste, avec la complicité de la mezzo Catriona Morison.
Ce CD est avant tout un programme finement choisi. Les Folk Songs de Berio en constituent le point de départ, et on découvre avec intérêt cette version étendue pour orchestre. Si elle n’a pas la même efficacité instrumentale de la version de chambre, elle permet au compositeur d’amplifier chacun de ses gestes sans perdre en précision et équilibre entre les pupitres.
Véritable rareté du programme, les Cinco canciones negras de Xavier Montsalvatge ne manquent pas de charme par leurs accents hispanisants. Peut-être que la forme strophique de certaines d’entre elles peine à capter pleinement notre attention, mais l’ensemble prouve que la musique de ce (prolifique !) compositeur catalan réserve de belles surprises.
L’Amour sorcier de Manuel de Falla clôt habilement ce programme, tant par sa dimension éminemment populaire que par sa capacité à convoquer une l’Espagne des scènes champêtres dépeintes par Goya.
C’est avant tout dans cette suite orchestrale que Sylvain Cambreling tire le meilleur des Symphoniker Hamburg. L’enregistrement rend hommage au fin métier orchestral de Falla, en particulier dans ces textures de cordes très divisées, si propices à évoquer l’instrument national espagnol.
La France connaît encore assez peu la mezzo-soprano germano-écossaise Catriona Morison (on devait l’entendre dans Falstaff en mars à Bordeaux, mais devinez la suite…). Premier prix au Concours de Cardiff en 2017, elle se produit déjà régulièrement en Allemagne et en Autriche. Si sa technique impeccable et son timbre chaleureux lui ouvrent certainement les portes de nombreuses maisons germaniques, on émet un peu plus de réserves sur l’incarnation musicale d’un tel programme. Car les Folk Songs portent la marque indélébile de leur créatrice, et c’est un exercice difficile que de proposer une version pertinente après celle de Berberian elle-même. Bien que l’ensemble ne manque pas de poésie, on regrette quelques occasions musicales manquées (un « Ballo » un peu plat, un « Loosin yelav » un peu raide). Conséquence probable d’un enregistrement où les instruments respectent une inflexible distance sanitaire, un léger déséquilibre entre vents, cordes et chant nous parvient au disque.
Gageons cependant que ce programme solaire ne demande qu’à mûrir davantage, et que l’on retrouvera cette artiste très prometteuse dès que les conditions le permettront.