Vingtième des quarante deux opéras composés par Gioachino Rossini (si l’on compte Robert Bruce, pastiche créé à Paris en 1846), La Cenerentola ossia La Bontà in trionfo opère depuis deux décennies un retour en force sur les scènes lyriques internationales. Elle sera d’ailleurs à l’affiche du Théâtre des Champs-Elysées en janvier 2010 dans une reprise de la mise en scène d’Irina Brook (déjà présentée au même endroit en 2003 et 2004) avant de faire les chaudes heures du Festival de Pesaro l’été prochain. Regain de popularité qui justifie une mise à jour du numéro que l’Avant-Scène Opéra lui avait consacré en mars 1986.
Feuilletant cette nouvelle édition, on constate effectivement combien La Cenerentola fait désormais partie du grand répertoire : pas moins de 75 productions recensées à travers le monde de 1987 à 2010 par Elisabetta Soldini, une vidéographie qui compte aujourd’hui plus de 20 titres, et une discographie qui en trente ans a presque doublé de volume avec 19 versions analysées par Alfred Caron, dont une qui fait désormais référence : Riccardo Chailly, Cecilia Bartoli, Enzo Dara en 1992 pour Decca. Outre la qualité de l’impression, supérieure à la version précédente (maquette, papier, illustrations, police de caractères, quadrichromie), ce sont ces informations là qui font l’intérêt de ce nouveau numéro. Car le commentaire musical, écrit dans un français embarrassé par Alberto Zedda, a été repris tel quel ; une réécriture aurait été la bienvenue dans le cadre de la mise à jour. Surtout, les articles relatifs à la genèse et à la création de l’œuvre ainsi que ceux qui traitaient de la partition et de sa vocalité ont été supprimés pour être remplacés par trois textes qui s’intéressent plus à Cendrillon qu’à Rossini. Ainsi, une grosse moitié de l’analyse de Jean-Michel Brèque est consacrée à l’étude des différentes versions du conte, l’héroïne imaginée par Jacopo Ferretti n’étant abordée que dans un deuxième temps et encore, pour étudier essentiellement les différences avec celle de Perrault quand Louis Bilodeau se livre déjà à un exercice similaire quelques pages auparavant. De même, Sandro Cometta, en se posant la question de l’onomastique des personnages (l’origine de leur nom), explore le livret plutôt que la musique. Au bout du compte, ce sont les jalons posés par Pierre Michot en guise d’introduction qui donnent le mieux à percevoir le visage musical de l’opéra de Rossini, ouvrage d’ensemble, entre seria et buffa, dont l’expression s’appuie sur le mouvement, la mélodie et l’exubérance de l’ornementation vocale.
Sauf discographie, vidéographie et programmation, pour toute exploration de La Cenerentola, on préférera donc continuer de se référer à l’édition de 1986 (si tant est qu’on puisse se la procurer), le regard sur la vocalité d’Angelina par Alain Arnaud ou encore les réflexions de Martine Dupuy s’avérant toujours d’actualité, l’histoire de l’œuvre par Charles Pitt et le portrait de ses créateurs par Jacques Gheusi étant quant à eux aussi instructifs qu’intemporels.
Christophe Rizoud