Bernard Schreuders se prenait à en rêver, lorsqu’il écrivait à l’occasion d’un concert dirigé à Bruxelles par Christophe Rousset (voir Forum Opéra, 31 octobre 2001) : « Qui n’aurait aimé voir Diane descendre du ciel sur un paon ou les statues d’or sauter de leur piédestal pour danser ? »
C’est maintenant chose faite, et le premier des opéras français a bénéficié d’une captation DVD particulièrement bienvenue. Car la cause est entendue : la production de Vincent Dumestre et Benjamin Lazar, filmée à l’Opéra Comique (direction Jérôme Deschamps), est l’un des plus beaux spectacles de l’année 2008. Nous ne reviendrons pas en détail sur toutes les qualités des excellents chanteurs, danseurs, acteurs et acrobates, développés dans le compte rendu de Viet-Linh Nguyen (voir Forum Opéra, 21 janvier 2008), même si quelques rares fois on note, plus que quand on était dans la salle dans le feu de l’action, d’infimes imperfections vocales.
C’est donc avec un plaisir immense que l’on retrouve cette troupe parfaite et le travail exemplaire qui l’a guidée. La qualité des maquillages fait des gros plans un véritable régal. Quant aux décors, sans avoir la magie ni la variété de ceux de Drottningholm, ils n’en sont pas moins enthousiasmants. Les effets pyrotechniques, les trappes, les marionnettes géantes à fils, les costumes somptueux sont, grâce à cette captation, conservés dans leur action, autrement mieux que dans un musée…
La qualité sonore de l’enregistrement, tant des voix que de l’orchestre, rend pleinement justice au travail des chanteurs, des chœurs et des instrumentistes. En revanche, côté image, on peut regretter que la captation soit réduite le plus souvent à un travail de théâtre filmé, moins convaincant que Le Bourgeois Gentilhomme de la même équipe, et surtout sans véritable invention cinématographique : cadrages approximatifs (la rampe est parfois coupée), abondance de prises de vues pleine scène de face donnant l’impression de marionnette siciliennes, abus de plans américains, gros plans pris de côté, rareté des mouvements de caméra ou de travelling, sans suivi particulier de la musique ni de l’intrigue… L’éclairage donne l’impression d’être globalement plus faible que ce que l’œil percevait dans la salle : sans doute aurait-il fallu forcer un peu les éclairages pour la captation ; car la rampe, avec ses « vraies chandelles », donne en vidéo un aspect un peu fané et suranné qui a son charme, et qui sied à ce type de répertoire, mais qui fait souvent perdre de la précision à l’image ; cela entraîne à la longue une impression de lassitude, et au bout d’un moment on fait autre chose, en se contentant de l’excellente bande son. Le tournage ayant été réalisé en Haute Définition, sans doute le DVD réapparaîtra-t-il dans ce nouveau standard après que tout le monde aura acheté la présente version. L’atmosphère générale du spectacle est quand même globalement plutôt bien rendue, mais au total, on est loin de la qualité des captations des spectacles des Deschiens par Don Kent. Et il faut se faire une raison : pour obtenir une bonne captation d’opéra, il ne suffit pas de planter des caméras un peu partout dans la salle…
La notice, de 20 pages, est vraiment minimaliste pour ne pas dire bâclée, si l’on considère qu’il n’y a que sept pages de texte ; et encore faut-il aller chercher les notes dans la traduction anglaises, car elles ont été oubliées dans le texte français ! Sans compter les accents qui sautent et une amusante faute dans la distribution (ceux qui trouvent auront le droit de visionner le DVD deux fois d’affilée). Donc, reportez-vous au somptueux programme de 260 pages – ouvrage de référence – publié à l’occasion des représentations à l’Opéra Comique, et également au site de l’éditeur du DVD, www.cadmus.fr, fort bien fait et complet, et qui remplace donc avec brio la chétive notice.
La vidéo est mieux pourvue, puisque les sous-titres sont disponibles en sept langues (français, anglais, allemand, espagnol, italien, japonais et néerlandais). Enfin, aucun bonus d’aucune sorte, si ce n’est, pendant l’ouverture, le tour des loges avec les chanteurs en train de se maquiller…
Cette production ne rend donc pas totalement justice à la beauté du spectacle original. Mais elle n’en reste pas moins un must absolu pour toute vidéothèque d’amateur d’opéra.
Jean-Marcel Humbert