Il est de ces enregistrements où un simple coup d’œil au dos de la jaquette permet de s’assurer par avance d’une réussite totale. Il y a parfois aussi les trophées Forumopéra pour compléter ce sentiment, puisque l’album dont il est question avait terminé en tête de notre palmarès 2020. Mais rendons tout de même compte de ce petit bijou consacré à une musique qui gagne à être connue.
Il est délicat d’enregistrer un compositeur aussi britannique que la Reine lorsqu’on ne l’est pas soi-même. D’autant plus lorsque ce compositeur a choisi ce que la poésie anglophone a produit de plus fin au cours des siècles, et que les native speakers bien léchés que sont Peter Pears et Ian Bostridge en ont déjà proposé des versions mémorables.
Cyrille Dubois n’a peur de rien et se lance confiant dans l’exercice. On est d’emblée frappé par la perfection de son anglais, sentiment qui se confirme à l’audition du reste de la distribution. Doté de la voix idéale pour ce répertoire, le ténor éblouit avant tout dans un My beloved is mine d’une poésie confondante. A aucun moment le chant ne vient se mettre en travers de la musique et du texte : on frémit avec lui à l’écoute de The Death of Saint Narcissus, et on se réconcilie avec le Canticle III, qui n’était peut-être pas le Britten le plus inspiré.
The Journey of the Magi permet d’apprécier l’homogénéité du trio vocal formé avec Marc Mauillon et Paul-Antoine Bénos-Dijan. Celle-ci rend tout à fait hommage au soin avec lequel Britten fait se confondre et se répondre les voix, et à l’étrange parabole biblique sous-tendue par T.S. Eliot. Enfin, Abraham and Isaac est forcément impeccable puisque inratable dans de telles conditions. Saluons ici le jeu d’Anne Le Bozec, qui recrée admirablement la quiétude divine mais terrible qui encadre cette pièce.
La grande réussite de cet enregistrement, c’est aussi d’avoir réussi à mettre en valeur les excellents solistes instrumentaux réunis pour l’occasion. On découvre avec intérêt la Night Piece défendue par Anne Le Bozec, et la harpe de Pauline Haas comme le cor de Vladimir Dubois agissent comme de bienvenus souvenirs d’œuvres vocales antérieures du compositeur.
Il y avait fort à parier que cette version devienne incontournable. Après une écoute, nous en sommes maintenant persuadés.